Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome IV.djvu/313

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là on reçoit honorablement chaque billet contre de l’or et de l’argent, avec une remise, à la vérité. De là on se rend chez le boulanger, le boucher, l’aubergiste : la moitié du monde paraît ne songer qu’à la bonne chère, tandis que l’autre se pavane en habits neufs. Le mercier coupe, le tailleur coud. Au cri de «Vive l’empereur, » le vin jaillit dans les tavernes. On cuit, on rôtit, on fait cliqueter les assiettes.

MÉPHISTOPHÉLÈS.

Qui se promène seul à l’écart, sur les terrasses, voit la plus belle somptueusement parée, un œil caché derrière le fastueux éventail en plumes de paon ; elle nous sourit et lorgne les cavaliers, et, plus promptement qu’avec l’esprit et l’éloquence, on obtient la suprême faveur de l’amour. On ne se chargera plus de bourses et de bagages : une petite feuille est facile à porter dans le sein ; elle s’y apparie aisément avec un billet doux. Le prêtre la porte pieusement dans son bréviaire, et le soldat, pour se rendre plus leste, allège bien vite ses reins de la ceinture. Que Sa Majesté me pardonne, si je semble rabaisser aux petites choses ce grand ouvrage !

FAUST.

Les immenses trésors qui gisent enfouis dans le sol de tes États demeurent sans emploi. La plus vaste pensée est bien loin d’embrasser l’étendue d’une pareille richesse ; l’imagination, dans son plus sublime essor, s’efforce d’y atteindre et ne parvient jamais à se satisfaire ; mais les esprits dignes de contempler la profondeur prennent dans l’infini une confiance infinie.

MÉPHISTOPHÉLÈS.

Un papier tel que celui-là, au lieu d’or et de perles, est si commode ! On sait du moins ce qu’on tient. On n’a pas besoin de marchander d’abord ni de changer ; on peut s’enivrer à cœur joie d’amour et de vin. Veut-on du métal, les changeurs sont tout prêts, et, s’il vient à manquer, on fouille le sol quelque temps. Coupes et chaînes sont mises aux enchères, et le papier, aussitôt amorti, fait rougir l’incrédule, qui nous raille insolemment. On ne veut plus autre chose : on y est accoutumé. Et désormais il se trouvera, dans tous les Étals de l’empereur, assez de joyaux, d’or et de papier.

L’empereuh.