Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome IV.djvu/428

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FAUST.

La masse des montagnes garde pour moi un noble silence. Je ne demande ni pourquoi ni comment…. Quand la nature se fonda en elle-même, elle arrondit nettement le globe terrestre ; elle se plut à former les sommets, les abîmes ; elle enchaîna rochers à rochers et montagnes à montagnes, puis elle dessina les faciles collines, les étendit doucement jusque dans la vallée : lu tout verdoie et prospère, et, pour se réjouir, elle n’a pas besoin de bouleversements insensés.

MÉPHISTOPHÉLÈS.

Vous le dites ainsi ; cela vous paraît clair comme le soleil ; mais celui qui était présent sait le contraire. J’étais là lorsque l’abîme, bouillonnant là-bas, s’enfla et versa des torrents de flammes ; quand le marteau de Moloch, forgeant rochers sur rochers, lança au loin les débris des montagnes. La terre est encore hérissée de ces masses étrangères. Qui donnera l’explication d’une pareille force explosive ? Le philosophe ne peut la concevoir. Le rocher est là, il faut le laisser à sa place. Nous y avons déjà réfléchi, à notre confusion. Le peuple fidèle et grossier le comprend seul, et ne se laisse pas troubler dans sa croyance. Pour lui la sagesse est dès longtemps mûrie. Parle-t-on d’un prodige, on en fait honneur à Satan. Mon pèlerin s’en va, clopinclopant, sur la béquille de sa foi, à la Pierre du diable, au Pont du diable1.

FAUST.

Il est aussi, je l’avoue, intéressant de juger, de voir, comment les diables considèrent la nature.

MÉPHISTOPHÉLÈS.

Que m’importe cela ? Que la nature soit ce qu’elle voudra ! C’est une question d’honneur : le diable était présent. Nous sommes gens à atteindre aux grandes choses. Tumulte, violence et fureur, voilà des preuves !… Cependant, pour parler enfin avec une entière clarté, rien ne te plaît-il de notre surface ? Tu contemplais, dans les espaces infinis, les royaumes du monde et

leur gloire.

(Matlh., iv.)

1. La géographie en connaît plusieurs.