Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome IV.djvu/99

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Ils te promettent volontiers davantage. Un vieux roi refoule dans les cœurs les espérances des hommes, et les y enchaîne ; mais l’aspect d’un nouveau prince donne l’essor aux vœux longtemps contenus ; ils éclatent avec ivresse. On jouit outre mesure, follement ou sagement, de respirer à l’aise après une pénible contrainte.

ELPÉNOR.

Je veux prier mon père de distribuer au peuple du pain et du vin, et, de ses troupeaux, la part dont il peut se passer aisément.

POLYMÉTIS.

Il le fera volontiers. Le jour que les dieux ne peuvent nous accorder qu’une fois dans la vie, que chacun le fête hautement ! Il est si rare que les cœurs des hommes s’ouvrent’ensemble ! Chacun n’a souci que de soi. La folie et la fureur enflamment un peuple beaucoup plus vite que l’amour et la joie. Tu verras les pères, posant les mains sur la tète de leurs fils, leur dire en t’annonçant : « Vois ! Il s’avance ! » Les grands regardent les inférieurs comme leurs égaux ; l’esclave lève avec confiance un œil joyeux vers son maître ; l’offensé accueille d’un sourire le regard de son adversaire, et l’invite au doux repentir, au libre et facile partage du bonheur. Ainsi l’innocente main de la joie unit les cœurs dociles, produit une fête sans art, pareille aux jours de l’âge d’or, où Saturne régnait encore doucement, comme un père bien-aimé, sur la terre nouvelle.

ElpÉnor.

Combien de camarades m’a-t-on destinés ? Ici j’en avais trois. Nous étions bons amis, souvent divisés et bientôt réunis. Dès que j’en aurai un grand nombre, nous nous partagerons en amis et en ennemis, et nous imiterons sérieusement, dans nos jeux, gardes, campements, surprises et batailles. Les connaistu ? Sont-ils de bons et complaisants camarades ?

PolymÉtis.

Oh ! si tu avais pu voir cette foule empressée ! Comme chacun offrait son fils, et comme les jeunes gens s’offraient eux-mêmes avec zèle ! D’entre les plus nobles et les meilleurs, douze ont été choisis pour t’entourer et te servir sans cesse.

ELPÉNOR.

Mais j’en pourrai sans