Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome IX.djvu/66

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passant trop bas, les montagnes l’empêchaient d’éclairer notre chemin. L’aspect de cette vallée merveilleusement belle éveillait de bonnes et joyeuses pensées. Nous avions déjà fait trois lieues, ayant le Rhône à main gauche ; nous voyions Sion devant nous, songeant avec plaisir au dîner, que nous allions bientôt commander, quand nous trouvâmes rompu le pont que nous avions" à passer. Au dire des gens qui travaillaient à le réparer, il ne nous restait qu’à prendre un petit sentier qui passait le long des rochers, ou à rebrousser d’une lieue et à passer le Rhône par quelques autres ponts. Nous choisîmes le dernier parti, et ne nous laissâmes point aller à la mauvaise humeur : au contraire, nous fîmes honneur de l’accident au bon génie qui voulait nous promener, parle plus beau jour, dans une contrée si intéressante. Le Rhône fait de fâcheux dégàls dans ee pays étroit. Pour arriver aux autres ponts, nous dûmes chevaucher plus d’une lieue et demie à travers des. grèves sablonneuses que le fleuve déplace très-souvent par les inondations, et qui ne sont bonnes qu’à produire des aunes et des saules. Enfin nous atteignîmes les ponts, qui sont très-mauvais, longs, brantants, et composés de rondins mal assurés. Nous dûmes y faire passer un par un nos chevaux, non sans inquiétude. Ensuite nous continuâmes notre marche sur Sion par le côté gauche de la vallée. Le chemin était le plus souvent mauvais et pierreux, mais chaque pas nous offrait un paysage digne du pinceau. 11 nous conduisit entre autres à un château élevé, d’où l’on avait sous les yeux une des plus belles vues que j’aie rencontrées dans tout mon voyage. Les montagnes les plus proches s’enfonçaient des deux parts dans la terre avec leurs assises, et, par leurs formes, réduisaient en quelque sorte la perspective du paysage. La largeur entière du Valais, de montagne à montagne, s’étalait sous nos yeux, elle regard l’embrassait commodément ; le Rhône, avec ses courbures diverses et ses buissons, passait devant les villages, les prairies et les collines cultivées ; on voyait dans l’éloignement le chiUeau de Sion et les diverses collines qui commençaient à s’élever derrière ; le dernier plan était fermé, comme un amphithéâtre, par une chaîne de montagnes blanches, illuminées, comme tout le reste du tableau, par le soleil de midi. Autant la route que nous devions suivre