Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome IX.djvu/68

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Sierre, 9 novembre 1779.

Je puis encore >ous souhaiter le bonjour avant notre départ. Le comte et moi, nous allons prendre à gauche dans la montagne et monter aux bains de Louëche ; notre ami attendra ici les chevaux et nous rejoindra demain.

Bains de Louëche, 9 novembre 1779, au pied de la Gemmi.

Dans une petite maison de planches, où nous avons été reçus de la manière la plus amicale par de très-braves gens, nous occupons une chambre étroite et basse, et je veux voir ce qu’il rne sera possible de vous dire de la course très-intéressante que nous avons faite aujourd’hui. De Sierre nous avons gravi pendant trois heures une montagne, après avoir observé en chemin les grands ravages des eaux. Un torrent pareil, formé subitement, entraîne tout sur un espace de plusieurs lieues, couvre de pierres et de gravier les champs, les prés et les jardins, que les gens rétablissent ensuite peu à peu, à force de peine, si toutefois la chose est possible, et qui peut-être, après une ou deux générations, sont de nouveau ensevelis. Le temps était gris, avec des intervalles de soleil. On ne saurait décrire l’aspect varié que présente encore ici le Valais. A chaque instant, le paysage se replie et change. Tout paraît très-rassemblé et trèsproche, et l’on est pourtant séparé par des ravins et des montagnes considérables. Jusqu’alors nous avions eu presque toujours à notre droite la vallée ouverte, quand une belle perspective sur les montagnes s’offrit tout à coup à nos yeux.

Pour rendre plus clair ce que j’ai à décrire, il me faut donner quelques explications sur la situation géographique de la contrée où nous sommes. Nous avions déjà gravi pendant trois heures les énormes montagnes qui séparent le Valais du canton de Berne. C’est la même chaîne qui s’étend du lac de Genève jusqu’au Saint-Gothard et dans laquelle se sont établis, sur le territoire bernois, les immenses glaciers. Ici le haut et le bas sont des termes relatifs. Je dis : « Là-bas dans une plaine est un village, » et cette plaine est peut-être au bord d’un abîme, beaucoup plus profond que la différence des hauteurs où nous sommes elle et moi.