Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome V.djvu/100

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ment que vous devez comparaître à sa cour devant la justice. Je suis chargé de vous mander, afin que vous ne refusiez pas de soutenir vos droits et de rendre raison à chacun ; sinon il vous en coûtera la vie. Car, si vous faites défaut, vous êtes menacé de la roue et du gibet. Prenez donc le meilleur parti ; venez et suivez-moi. Autrement vous pourriez vous en mal trouver. »

Reineke entendit parfaitement ce discours, du commencement à la fin ; il restait tranquillement aux écoutes et se di- • sait :

  • Si je pouvais payer à ce lourdaud ses orgueilleuses paroles ! Il faut que je rêve à la chose. »

Là-dessus il passa au fond de sa demeure, dans les secrets réduits du château : car il était bâti avec beaucoup d’art. Il s’y trouvait des trous et des cavernes, avec cent corridors, étroits et longs, et diverses portes pour les fermer et les ouvrir, selon le moment et le besoin. Apprenait-il qu’on le cherchait, au sujet de quelque mauvaise action, il trouvait là le meilleur, asile. Souvent aussi de pauvres bêtes s’étaient prises par simplicité dans ces méandres : bonne capture pour le brigand. Reineke avait entendu les paroles, mais il craignait sagement que d’autres personnes ne fussent en embuscade avec le messager. Quand il se fut assuré que l’ours était venu seul, le rusé compère sortit et dit :

« Mon très-cher oncle, soyez le bienvenu ! Pardonnez-moi, je disais vêpres, c’est pourquoi je vous ai fait attendre. Je vous remercie d’être venu : sans doute cela me sera utile à la cour. J’ose l’espérer. A toute heure, mon oncle, soyez le bienvenu ! En attendant, le blâme est pour celui qui vous a imposé ce voyage, car il est long et pénible. 0 ciel, comme vous avez chaud ! Votre -poil est mouillé et votre respiration haletante. Le puissant roi n’avait-il pas d’autre messager à m’envoyer que le noble seigneur qu’il honore le plus ? Mais j’y trouverai mon avantage. Je vous en prie, prêtez-moi votre assistance chez le roi, où l’on me calomnie indignement. Je me propose, malgré ma situation critique, de me rendre demain librement à la cour, et c’est toujours ma pensée. Aujourd’hui seulement, je suis trop accablé pour faire le voyage. J’ai, par malheur, trop mangé d’un mets qui ne me convient pas. J’en souffre de violentes douleurs.