Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome V.djvu/124

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rait donnée. Hâtons-nous, et vengeons les maux qu’il a faits à tout le monde.

— Que servent les paroles ? dit Ysengrin. Trouvez-moi vite une bonne corde. Abrégeons son supplice. »

C’est ainsi qu’ils menaçaient le renard et ils suivaient leur chemin. Reineke les écoutait en silence ; enfin il prit la parole :

« Puisque vous me haïssez si cruellement, et que vous demandez une vengeance mortelle, ne pouvez-vous en venir à bout ? Combien vous m’étonnez ! Hinze devrait savoir se procurer une bonne corde, car il en a fait l’épreuve, lorsqu’il a couru à la chasse des souris dans la maison du curé, d’où il ne s’est pas tiré avec honneur. Mais vous, Ysengrin, et vous, Brun, vous traînez violemment votre oncle à la mort, et vous croyez faire merveilles. »

Et le roi se leva, avec tous les seigneurs de la cour, pour voir exécuter la sentence. La reine se joignit au cortège, accompagnée de ses femmes. Derrière eux affluait la multitude des pauvres et des riches. Tous désiraient la mort de Reineke et voulaient en être témoins. Cependant Ysengrin, s’adressant à ses parents et à ses amis, les exhortait à serrer les rangs, et à veiller attentivement sur le renard enchaîné, car ils craignaient toujours que le rusé ne parvînt à se sauver. Le loup faisait des recommandations particulières à sa femme :

« Sur ta vie, prends garde ; aide à tenir le scélérat. S’il échappait, ce serait pour nous tous un affront sensible. »

Et il disait à Brun :

« Songez comme il s’est joué de vous. Vous pouvez maintenant lui payer tout avec usure. Hinze sait grimper ; à lui de nous attacher la corde là-haut. Tenez-le et assistez-moi, j’avance l’échelle. Quelques minutes encore, et c’en est fait de ce vaurien. »

Brun répondit :

« Placez seulement l’échelle, je le tiendrai bien.

— Voyez donc, lui dit Reineke, comme vous êtes pressé de mettre votre oncle à mort ! Vous deviez plutôt le protéger et le défendre, et, s’il était dans la détresse, avoir pitié de lui. Je demanderais grâce volontiers, mais de quoi cela me servirait-il ? Ysengrin me hait trop ; il ordonne même à sa femme de me te-