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Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome V.djvu/125

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nir et de me fermer le chemin de la fuite. Si elle se rappelait le temps d’autrefois, assurément elle ne pourrait me nuire. Cependant, si je dois y passer, je voudrais que ce fût vite fait. Mon père aussi s’est vu dans cette affreuse extrémité, mais cela finit promptement. Moins de gens, il est vrai, l’accompagnèrent à la mort. Que si vous vouliez m’épargner plus longtemps, assurément la chose tournerait à votre honte.

— Entendez-vous, dit l’ours, comme le méchant parle avec insolence ? Qu’on le pende ! qu’on le pende ! Son heure est venue. »

Reineke se disait avec angoisse :

« Oh ! si, dans cette grande détresse, je pouvais vite imaginer quelque bon moyen, pour que le roi me fit grâce de la vie, et que ces trois ennemis furieux en éprouvassent honte et dommage ! Il nous faut tout considérer, et vienne à notre aide ce qui pourra servir ! Car il s’agit de mon cou ; la nécessité est pressante ; comment pourrai-je échapper ? Tous les maux s’amassent sur ma tête. Le roi est courroucé, mes amis sont partis • et mes ennemis sont acharnés. Rarement j’ai fait quelque chose de hon ; à vrai dire, j’ai peu respecté la puissance du roi, la sagesse de ses conseils ; j’ai commis bien des crimes, et pourtant j’espérais détourner de moi ce malheur. Si seulement je pouvais obtenir la parole, certainement ces gens ne me pendraient pas. Je ne veux pas renoncer à l’espérance. »

Là-dessus il se tourna de l’échelle vers le peuple et s’écria :

  • Je vois la mort devant mes yeux et je n’échapperai pas. Mais je vous adresse, à vous tous qui m’écoutez, une petite prière avant que je quitte ce monde. Je voudrais bien, pour la dernière fois, me confesser encore par-devant vous publiquement, en toute vérité, et reconnaître loyalement tout le mal que j’ai fait, afin qu’un autre ne soit pas accusé quelque jour de tel ou tel crime inconnu que j’ai commis en secret. Par là j’empêcherai encore quelques malheurs, et je puis espérer que Dieu m’en tiendra compte dans sa miséricorde. »

A ces paroles, beaucoup de gens furent touchés de compassion. Ils se dirent les uns aux autres :

« La prière est de peu de conséquence ; le délai qu’il demande est bien court. »