Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome V.djvu/145

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée


Bellin, impatient, se mit à vociférer à la porte.

« Lampe, ne voulez-vous pas partir ? Venez donc. Il faut nous en aller. »

Reineke l’entendit crier, il accourut et dit :

• Mon ami, Lampe vous prie fort de l’excuser : il se divertit là dedans avec madame sa tante. Vous voudrez bien, dit-il, le lui permettre. Prenez les devants à’petits pas. Madame Ermeline ne le laissera pas aller de sitôt. De grâce, ne troublez pas leur plaisir. »

Bellin répondit :

« J’ai entendu crier : qu’était-ce donc ? J’ai entendu Lampe, il me criait : « Bellin, au secours ! au secours ! » Lui avez-vous fait quelque mal ? »

L’habile Reineke répondit :

« Écoutez donc : je parlais du pèlerinage dont j’ai fait le vœu ; ma femme en a été tout a fait désespérée ; une mortelle frayeur l’a saisie ; elle est tombée dans mes bras sans connaissance. A cette vue, Lampe a eu peur, et, dans son trouble, il s’est écrié : « Au secours Bellin ! Bellin ! Oh ! ne tardez pas : certaine« ment ma tante va mourir. «

— Tout ce que je sais, dit Bellin, c’est qu’il a poussé des cris d’angoisse.

— On ne lui a pas touché un poil, jura le menteur. J’aimerais mieux qu’il m’arrivât malheur à moi-jnôme qu’à Lampe. Avez-vous entendu, ajouta Reineke, que le roi m’a demandé hier, quand je serais arrivé chez moi, de lui communiquer, dans quelques lettres, mes idées sur des affaires importantes ? Mon cher neveu, veuillez vous en charger. Elles sont toutes prêtes. Je dis dans ces lettres de belles choses, et je donne les avis les plus sages. Lampe s’est diverti à l’excès, gavais du plaisir à l’entendre se rappeler avec sa tante de vieilles histoires. Comme ils jasaient ! Ils ne pouvaient finir. Ils ont bu et mangé et se sont réjouis, tandis que j’écrivais les lettres.

— Mon bon ami, dit Bellin, veuillez garder vos lettres : je n’ai pas une petite poche pour les mettre. Si je brisais les sceaux, je m’en trouverais fort mal.

— Je sais un bon remède, dit Reineke. Le sac que l’on m’a fait avec la peau de l’ours fera justement l’affaire. Il est épais