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Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome V.djvu/154

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assis en plein air. Il venait de prendre deux jeunes pigeons. Ils s’étaient risqués hors du nid pour essayer de voler ; mais leurs plumes élaient trop courtes : ils tombèrent, et ne furent pas eu état de se relever, et Reineke les saisit, car il chassait souvent aux environs. Il vit de loin Grimbert approcher et l’attendit. Il le salua et lui dit ces mots :

« Mon neveu, soyez le bien-venu plus que toute autre personne de ma famille ! Pourquoi courez-vous si fort ? Vous êtes haletant ! M’apportez-vous quelque nouvelle ? »

Grimbert lui répondit :

« La nouvelle que je vous annonce n’est point rassurante. Vous le voyez, j’accours plein d’angoisse. Votre vie, vos biens, tout est perdu. J’ai vu la colère du roi. Il jure de vous arrêter et de vous faire subir une mort infâme. Il a ordonné à chacun de paraître ici en armes dans six jours, avec l’arc et l’épée, avec l’arquebuse et les chariots. Tout le monde vient vous assaillir : hâtez-vous de faire vos réflexions. Ysengrin et Brun sont de nouveau dans la confidence du roi, mieux que moi dans la vôtre, et l’on fait tout ce qu’ils veulent. Ysengrin vous proclame le plus affreux des meurtriers et des brigands, et, par ces discours, il anime le roi. Il sera maréchal ; vous verrez la chose dans peu de semaines. Le lapin est survenu, puis la corneille : ils ont fait contre vous de grandes plaintes ; et, si le roi vous prend cette fois, vous n’aurez pas longtemps à vivre ; j’ai lieu de le craindre.

— Voilà tout ? répliqua le renard. Tout cela ne m’inquiète pas le moins du monde. Quand le roi, avec tout son conseil, aurait promis et juré deux fois et trois fois, il me suffira de paraître pour triompher de tout. Ils délibèrent, ils délibèrent, et ne savent jamais toucher au but. Mon cher neveu, laissez aller la chose ; suivez-moi, et voyez ce que je vous servirai. Je viens d’attraper là des pigeons jeunes et gras. C’est toujours mon plus friand régal. Ils sont faciles à digérer ;,on les avale tout doucement, et les petits os ont si bon goût ! Ils se fondent dans la bouche. C’est moitié lait, moitié sang. Cet aliment léger me convient, et ma femme a le même goût. Venez, elle nous fera un bon accueil. Mais ne lui dites pas pourquoi vous êtes venu : chaque bagatelle la saisit et l’inquiète. Demain, je vous