Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome V.djvu/159

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« bon goût ? Vous vous êtes.rassasié ; vous m’avez oublié. Ce « n’est pas bien fait à vous ; c’est moi qui vous ai porté le mes« sage Après le repas, il vous a plu de faire un petit sommeil. « Que portait, dites-moi, l’écriture sous le pied ? Vous êtes un « grand savant. — Ah ! répliqua-t-il, vous raillez encore ? Que « j’ai été malheureux cette fois ! Une roche même serait atten*. drie. Oh ! cette jument aux longues jambes ! Que le bourreau « le lui rende ! Le pied était garni de fer : voilà l’écriture ! Des « clous neufs. J’en ai six blessures à la tête. » 11 faillit en perdre la vie. A présent j’ai tout confessé : cher neveu, pardonnez-moi mes mauvaises œuvres ! Comment les choses tourneront à Ja cour, c’est douteux ; mais j’ai déchargé ma conscience, et me suis purifié de péché. Dites-moi comment je puis me corriger, afin que j’obtienne grâce. »

Grimbert lui répondit :

« Je vous trouve encore sous le poids du péché ; mais les morls ne- reviennent pas à la vie. Il vaudrait mieux sans doute qu’ils vécussent encore. Je veux donc, mon oncle, en considération de l’heure épouvantable, en considération de la mort prochaine qui vous menace, vous remettre vos péchés, comme serviteur du Seigneur : car on vous poursuit avec violence ; je crains tout ce qu’il y a de pire, et l’on vous reprochera avant tout la tète du lièvre. Ce fut une grande témérité, avouez-le, de provoquer le roi, et cela vous nuira plus que ne le pensait votre légèreté.

— Je n’y perdrai pas un poil, repartit le fripon, et, s’il faut vous le dire, c’est un talent tout particulier de savoir se tirer d’affaire dans le monde. On ne peut se garder aussi saintement que dans un cloître, vous le savez. Si quelqu’un fait commerce de miel, il se lèche de temps en temps les doigts. Lampe me séduisait fort ; il sautait par-ci par-là, me tournait devant les yeux ; son embonpoint me plut, et je mis à part l’amitié. Je voulais aussi peu de bien à Bellin. Ils ont le dommage ; j’ai le péché. Mais ils sont parfois si stupides, si lourds et si grossiers en toute affaire ! Devais-je faire tant de cérémonies ? Je m’y sentais peu disposé. Je m’étais sauvé de la cour avec angoisse, et leur enseignais une chose puis une autre : peine inutile ! cela n’avançait pas. Sans doute chacun devrait aimer le prochain, je dois en convenir ; cependant je les estimais peu, et mort est