Aller au contenu

Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome V.djvu/160

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

mort, vous le dites vous-même.,Parlons d’autre chose. Les temps sont dangereux. En effet, comment cela va-t-il du haut en bas ? Il ne faut pas causer : pourtant, nous autres, nous observons ce qui se passe, et nous faisons nos réflexions. Le roi lui-même vole aussi bien qu’un autre, nous le savons. Ce qu’il ne prend pas, il le laisse emporter aux ours et aux loups, et il croit que c’est juste. Il ne se trouve personne qui ose lui dire la vérité, si profond est le mal ; point de confesseur, point de chapelain. Ils se taisent ! Pourquoi cela ? Ils ont part aux profits, quand ils ne feraient qu’attraper une soutane. Que l’on vienne ensuite se plaindre : on gagnerait autant de happer l’air ; on tue le temps, et l’on ferait mieux de chercher de nouveaux profits. Car ce qui est perdu est perdu, et ce qu’une fois un puissant te ravit, tu ne le rattraperas plus ; on prête peu l’oreille à la plainte, et elle fatigue à la fin. Notre seigneur est le lion, et il tient pour conforme à sa dignité de tirer tout à lui. Il nous appelle d’ordinnire ses gens : en vérité, il semble que notre bien lui appartienne.

» Oserai-je le dire, mon oncle ? Le noble sire aime surtout les gens qui apportent, et qui savent danser comme il chante. On le voit clairement. Que l’ours et le loup soient rentrés au conseil, cela va nuire encore à bien des gens. Ils volent, ils pillent ; le roi les aime ; chacun le voit et se tait : on espère avoir son tour. Il s’en trouve ainsi plus de quatre aux côtés du roi ; distingués entre tous, ils sont les plus grands à la cour. Un pauvre diable, comme Reineke, attrape-t-il quelque poulet, aussitôt ils veulent tous fondre sur lui, le poursuivre et le prendre, et, à grand bruit, d’une voix unanime, ils le condamnent à mort. Les petits voleurs sont pendus sans façon ; les gros ont un grand privilège : ils gouvernent à leur gré le pays elles châteaux. Voyez-vous, mon oncle, lorsque j’observe ces choses et que je médite là-dessus, je joue aussi mon jeu, et me dis souvent à part moi : <t II faut que ce soit bien, puisque tant « de gens le font ! » A la vérité, la conscience s’éveille aussi, et me montre de loin la colère et le jugement de Dieu ; elle me fait considérer la fin ; le bien illégitime, si petit qu’il soit, il faut le restituer. Alors je sens dans mon cœur le repentir, mais cela ne dure pas longtemps. Eh ! que te sert d’être le meilleur ? Les