Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome V.djvu/171

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et je vois, pour début, que tu as égorgé Lampe ! Bellin t’a servi de messager ; il a apporté la tête dans le sac, et a déclaré publiquement qu’il m’apportait des lettres que vous aviez méditées et écrites ensemble ; qu’il en avait conseillé la meilleure part. Et dans le sac s’est trouvée la tête, ni plus ni moins. C’est pour m’insulter que vous l’avez fait. J’ai retenu aussitôt Bellin pour gage ; il a.perdu la vie : il s’agit de la tienne maintenant. »

Reineke s’écria :

« Qu’entends-je ? Lampe est-il mort ? Et ne trouverai-je plus Bellin ? Que vais-je devenir ? Oh ! fusse-je mort ! Hélas ! avec eux je perds un trésor, un trésor de grand prix. Car je vous envoyais par eux des joyaux aussi beaux qu’on puisse en trouver sur la terre. Qui pouvait croire que le bélier tuerait Lampe et vous déroberait les trésors ? Qu’on se tiennejsur ses gardes, où nul ne soupçonne la ruse et le danger ! »

Le roi, courroucé, n’entendit pas jusqu’au bout ce que disait Reineke ; il se retira dans son appartement, et il n’avait pas clairement saisi le discours du renard. Il songeait à le punir de mort. Il trouva justement la reine dans sa chambre avec Mme Ruckenau. La guenon était singulièrement chérie du roi et de la reine. Cela devait profiter à Reineke. Elle était instruite et sage et savait parler. Où qu’elle parût, chacun portait les yeux sur elle et l’honorait infiniment. Elle remarqua le chagrin du roi et dit avec réserve :

« Monseigneur, quand vous avez quelquefois prêté l’oreille à mes prières, vous ne vous en êtes jamais repenti, et vous m’avez pardonné mon audace, de vous faire entendre, quand vous étiez en colère, un mot d’avis tranquille. Cette fois encore, soyez disposé à m’entendre, car enfin il s’agit de ma propre race ! Qui peut renier les siens ? Quel qu’il soit, Reineke est mon parent, et, à ce qu’il me semble de sa conduite, je dois le déclarer franchement, puisqu’il se présente en justice, j’ai la meilleure opinion de sa cause. Son père, qui avait la faveur du vôtre, eut beaucoup à souffrir aussi des mauvaises langues et des fausses accusations ; mais il les confondait toujours. Aussitôt qu’on examinait l’affaire avec plus de soin, elle se trouvait claire. Les malins envieux cherchaient même à faire passer ses services pour des crimes. Comme cela, il se maintint sans