Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome V.djvu/175

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geaient à aider le serpent. Vous envoyâtes des messagers à Reineke. Tous les autres tenaient force discours, et ne pouvaient décider la chose convenablement. Reineke vint,.il entendit l’exposé du fait, vous le laissâtes maître de prononcer ; ce qu’il statuerait ferait loi. Reineke dit, après mûre réflexion : « Je trouve, avant tout, nécessaire de visiter le lieu. Quand j’aurai vu le serpent lié comme l’a trouvé le paysan, le jugement sera facile à prononcer. » On lia de nouveau le serpent à la même place, de la même façon que le paysan l’avait trouvé dans la haie. Là-dessus Reineke dit : * Les voilà tous les deux replacés « dans leur première situation ; aucun n’a gagné ni perdu. Main« tenant le droit me semble s’expliquer de lui-même. Si cela plaît à l’homme, il délivrera encore une fois le serpent du a lacet ; sinon, il le laissera pendu. Il peut librement, avec hon« neur, passer son chemin et aller à ses affaires. Le serpent « s’étant montré infidèle après avoir reçu le bienfait, il est « juste que l’homme puisse choisir. Tel est, à mon avis, le véri« table esprit de la loi. Qui l’entendra mieux, nous le fasse con« naître. » La sentence vous plut alors, comme à vos conseillers. Reineke fut loué. Le paysan vous remercia, et chacun vanta la sagesse de Reineke ; la reine elle-même lui donna des louanges. Il se dit alors bien des* choses : Ysengrin et Brun seraient de meilleur emploi dans la guerre ; on les craignait tous deux au loin ; ils se trouvaient volontiers aux lieux où l’on dévorait tout. Ils étaient l’un et l’autre grands et forts et hardis, on ne pouvait le nier ; mais, dans le conseil, ils manquaient souvent de la sagesse nécessaire, étant trop accoutumés à se prévaloir de leur force. Cependant que l’on entre en campagne, et qu’on se mette à l’œuvre, cela marche fort mal. Il ne se peut voir personne de plus courageux au logis ; dehors, ils se tiennent volontiers en embuscade. Qu’une fois on en vienne aux coups, on les reçoit aussi bien que les autres. Les ours et les loups dévastent le pays ; ils s’inquiètent peu de savoir à qui appartient la maison que la flamme dévore ; leur coutume ordinaire est de se chauffer au brasier, et ils n’ont pitié de personne, pourvu que leur gorge s’emplisse. On avale les œufs ; on laisse la coque aux misérables, et l’on croit toujours partager loyalement. Reineke, le renard, au contraire, et sa race ont de la sagesse et des res-