Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome V.djvu/178

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toute particulière. Personne, dans nos contrées, n’expliquait aisémen ces caractères ; maître Abryon de Trêves pouvait seul les lire. C’est un savant juif, qui sait toutes les langues, tous les dialectes qui sont parlés depuis le Poitou jusqu’à Lunebourg, et le juif a une connaissance particulière des herbes et des pierres.

« Quand je lui montrai l’anneau, il dit : « Des choses précieuses « sont cachées là dedans. Ces trois mots gravés furent rapportés « du paradis par Seth, le pieux, lorsqu’il cherchait l’huile de « miséricorde ; et qui porte à son doigt cet anneau est à l’abri « de tous dangers : ni le tonnerre ni l’éclair ni la magie ne peu« vent l’atteindre. » Le maître disait encore avoir lu que celui qui gardait la bague à son doigt ne pouvait geler par un froid rigoureux, et passerait certainement une tranquille vieillesse. Il se trouvait en dehors une pierre précieuse, une brillante escarboucle, qui éclairait la nuit, et faisait voir distinctement les objets. Cette pierre avait beaucoup de vertus : elle guérissait les malades ; qui la touchait se sentait libre de toute infirmité, de toute souffrance : la mort seule ne se laissait pas vaincre. Le maître signala encore d’admirables vertus de la pierre ; le possesseur voyage heureusement par tout pays ; ni l’eau ni le feu ne lui peuvent nuire ; on ne saurait ni le prendre ni le surprendre, et il échappe à toutes les attaques de l’ennemi ; s’il regarde la pierre étant à jeun, il pourra triompher de cent adversaires, de plus encore ; la vertu de la pierre enlève leurs effets au poison et à tous les sucs malfaisants ; elle extirpe également la haine, et, si quelqu’un n’aime pas le possesseur, il se sentira bientôt changé. Qui pourrait énumérer toutes les vertus de cette pierre, que j’avais trouvée dans le trésor de mon père et que mon dessein était d’envoyer au roi ? Car je n’étais pas digne d’un si précieux anneau ; je le savais très-bien. Il devait apparnir, me disais-je, à celui-là seul qui sera toujours le plus noble de tous. Notre bonheur et notre fortune ne reposent que sur lui, et j’espérais préserver sa vie de tout mal.

« Le bélier Bellin devait aussi offrir à la reine un peigne et un miroir, afin qu’elle se souvînt de moi. Je les avais un jour tirés, pour mon plaisir, du trésor de mon père. Il n’était point sur la. terre de plus bel ouvrage. Oh ! que de fois ma femme les a-t-elle essayés et comme elle désirait les posséder ! Elle ne demandait