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Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome V.djvu/181

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« veux me croire. Monte sur mon dos, je te porterai. Un cerf « vient de se cacher dans la forêt : tu peux en faire ta proie. « Tu vendras à grand prix la chair, la peau et le bois. Monte * sur mon dos : nous le poursuivrons. — J’essayerai volon« tiers, » dit le berger, et il se mit à cheval : ils coururent. Ils découvrirent bientôt le cerf : ils suivirent sa trace vivement, et lui donnèrent la chasse. Il avait de l’avance ; le cheval n’en pouvait plus ; il dit à l’homme : « Descends un peu, je suis fati« gué, j’ai besoin de repos. — Non vraiment, répliqua l’homme : « tu m’obéiras, tu sentiras mes éperons. C’est toi-même qui « m’as enseigné cette allure. » Et voilà comme le cavalier le dompta. C’est ainsi qu’il s’attire beaucoup de mal pour sa récompense, celui qui, pour nuire aux autres, s’impose à luimême peine et tourment.

« Je vous dirai encore ce qui était sculpté sur le miroir. On voyait comme un âne et un chien étaient ensemble au service d’un riche. Le chien était naturellement le favori. Il prenait place à la table du maître, et mangeait avec lui chair et poisson ; même il reposait aussi sur les genoux du maître. L’âne Baudouin voyait le bonheur du chien, et il en devint triste en son cœur. Il se dit à part lui : « A quoi pense notre maître de faire « tant de caresses à ce paresseux animal ? Le chien saute sur a lui et lui lèche la barbe…. Et moi, il faut que je travaille, « et que je porte les sacs péniblement. Qu’il essaye une fois de « faire avec cinq chiens, même avec dix, autant d’ouvrage en « une année que j’en fais en un mois ! Et pourtant on lui sert les « meilleurs morceaux, tandis qu’on me nourrit de paille ; on « me laisse couché sur la terre dure ; et, en quelque lieu qu’on « me pousse ou qu’on me monte, on se moque de moi. Je ne « veux et je ne puis le souffrir plus longtemps ; je veux gagner « aussi la faveur du maître. » Comme il parlait ainsi, le maître vint justement à passer. L’âne leva la queue, et se jeta sur l’homme en bondissant ; il criait et chantait et brayait de toute sa force ; il lui lécha la barbe, et voulut, à la manière du chien, se coller contre ses joues, et lui fit quelques bosses. Le maître, effrayé, s’écarta en criant : » Prenez-moi cet âne, et qu’on l’as« somme. » Les valets accoururent, et les coups de bâton commencèrent à pleuvoir. On le chassa dans l’écurie, où il resta