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Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome V.djvu/182

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un âne. Il y en a beaucoup encore de son espèce, qui envient aux autres leur prospérité, et qui ne s’en trouvent pas mieux. Mais que l’un d’eux parvienne une fois à la richesse, cela va aussi bien que si le cochon mangeait la soupe avec la cuiller ; pas beaucoup mieux du moins. Que l’âne porte les sacs, qu’il couche sur la paille et se nourrisse de chardons. Si l’on veut le traiter autrement, il n’en reste pas moins ce qu’il était auparavant. Quand un âne parvient à l’empire, cela produit peu de bien. Ces gens cherchent leur avantage, mais ont-ils d’autre souci ? Il faut, mon roi, vous conter le reste : ne vous lassez pas de m’entendre. Sur le cadre du miroir se trouvait encore artistement ciselé et clairement représenté, comme mon père avait fait autrefois alliance avec Hinze, pour courir les aventures, et comme ils s’étaient juré tous deux solennellement de tenir ferme ensemble avec courage dans tous les dangers, et de partager chaque proie. Lorsqu’ils se furent mis en campagne, ils aperçurent, non loin de la route, des chasseurs et des chiens. Alors Ilinzo, le chat, se prit à dire : « Un bon expédient viendrait « à propos, ce me semble. » Mon vieux répliqua : « Oui, le cas « semble étrange, mais j’ai mon sac plein de bons expédients, «et nous songerons à notre serment ; nous tiendrons ferme « ensemble avec vaillance : c’est toujours l’essentiel. » Hinze répliqua : « Quoi qu’il arrive, je sais toujours un moyen, et je « vais l’employer. *> Puis il s’élança lestement sur un arbre pour se sauver de la fureur des chiens, et voilà comme il laissa son oncle. Mon père était là dans l’angoisse ; les chasseurs arrivèrent ; Hinze lui dit : « Eh bien, mon oncle, comment cela va-t-il ? « Ouvrez donc le sac ! S’il est plein d’expédients, faites-en usage « à cette heure : le moment est venu. « Les chasseurs sonnèrent du cor, et s’appelèrent l’un l’autre. Mon père courut, les chiens coururent ; ils le suivirent en aboyant. Il suait d’angoisse et laissait échapper ses fumées en abondance. 11 se trouva le plus léger, et il se déroba aux ennemis. Vous l’avez entendu, il fut trahi d’une manière infâme par son plus proche parent, auquel il s’était fié plus qu’à tout autre. Il y allait pour lui de la vie ; car les chiens étaient agiles, et, s’il ne s’était pas souvenu, en courant, d’une caverne, c’en était fait de lui. Il se glissa dedans, et les ennemis le perdirent. Il en est beaucoup encore