Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome V.djvu/183

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

décès drôles, tels que Hinze se montra cette fois à mon père. Comment le pourrais-je aimer et honorer ? Je lui ai pardonné ù demi, il est vrai, cependant il en reste encore quelque chose. Tout cela était ciselé sur le miroir, en images et en paroles.

« On y voyait encore une malice particulière du loup, et comme il est disposé à reconnaître le bien qu’il a reçu. Il trouva dans un pâturage un cheval, dont il ne restait plus que les oa. Mais il avait grand’faim ; il les rongea gloutonnement, et un os pointu se plaça en travers de sa gorge. Le voilà dans l’angoisse ; son cas était fâcheux. Il envoya messagers sur messagers, pour appeler les médecins ; nul ne pouvait le secourir, bien qu’il promît à chacun une grande récompense. Enfin la grue se présenta, la barrette rouge sur la tête. Le malade la supplia : « Docteur, « tirez-moi vite de ce péril ; je vous donne, si vous retirez l’os, « tout ce que vous demanderez. » La grue, se fiant à ses paroles, introduisit son bec et sa tête dans le gosier du loup et retira l’os. « Malheur à moi, hurla le loup, tu me blesses ! Quelle douleur ! « Que cela ne t’arrive plus ! Pour aujourd’hui, je te pardonne. « D’un autre que toi, je ne l’aurais pas souffert patiemment. — « Réjouissez-vous, repartit la grue, vous êtes guéri. Donnez« moi la récompense : je l’ai méritée, je vous ai secouru. — « Entendez-vous la folle ? dit le loup. J’ai le mal, elle demande « la récompense ; elle oublie la grâce que je viens de lui faire ! « N’ai-je pas laissé échapper sans dommage son bec et sa tête, « que j’ai sentis dans ma gueule ? La friponne ne m’a-t-elle pas c blessé ? S’il est question de récompense, c’est moi-même, en « vérité, qui pourrais d’abord en demander une. » C’est ainsi que les drôles ont coutume d’en user avec leurs serviteurs. Ces histoires, et bien d’autres, artistement sculptées, ornaient le cadre du miroir, ainsi que maint ornement gravé, mainte inscription en lettres d’or. Je ne me jugeais pas digne de ce précieux joyau ; je suis trop chétif : aussi je l’envoyais à Madame la reine. Je voulais lui témoigner par là, comme à son époux, mes sentiments respectueux. Mes enfants, les gentils garçons, s’affligèrent fort quand je livrai le miroir : ils avaient coutume de sauter et jouer devant la glace ; ils s’y regardaient volontiers ; ils regardaient leurs petites queues pendantes et riaient à leur