Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome V.djvu/184

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petit museau. Hélas ! je ne m’attendais pas à la mort de l’honnête Lampe, quand je recommandai solennellement, à lui et à Bellin, sur leur parole et leur bonne foi, ces trésors ; je les tenais tous deux pour d’honnêtes gens ; je ne croyais pas avoir jamais eu de meilleurs amis. Que maudit soit le meurtrier ! Il faut que je sache qui peut cacher ces objets précieux. Aucun meurtrier ne reste caché. Quelqu’un dans cette assemblée peutêtre saurait dire où les trésors sont restés et comment Lampe a été mis à mort.

« Mon gracieux seigneur, il se présente chaque jour devant vous tant d’affaires importantes, que vous ne pouvez tout vous rappeler ; mais peut-être vous souvient-il encore du service signalé que mon père rendit au vôtre à cette place. Votre père était malade : le mien’ lui sauva la vie. Et pourtant vous dites que ni moi ni mon père ne vous avons jamais fait aucun bien. Veuillez m’entendre jusqu’au bout. Soit dit avec votre permission, mon père vivait à la cour du vôtre en grande considération et dignité, comme habile médecin. 11 savait observer avec discernement l’eau du malade ; il aidait à la nature ; si les yeux, si les nobles membres du sire éprouvaient quelque infirmité, il savait les guérir ; il connaissait les sels émétiques ; il s’entendait bien aussi à soigner les dents, et savait extraire, en se jouant, celles qui faisaient mal. Je me doute bien que vous l’avez oublié ; ce n’est pas merveille : vous n’aviez que trois ans. Dans ce temps-là, votre père se mit au lit, durant l’hiver, avec de grandes douleurs. 11 fallait le lever et le porter. Il fit appeler tous les médecins d’ici à Rome, et tous l’abandonnèrent. Enfin il manda mon vieux père, qui se fit rendre compte du cas et observa la dangereuse maladie. Mon père en fut très-affligé. « Monseigneur, dit-il, que je donnerais volontiers ma propre « vie pour vous sauver ! Mais faites-moi voir de votre eau dans « un verre. » Le roi se prêta aux désirs de mon père ; cependant il se plaignait qu’il allait toujours plus mal. On voyait représenté sur le miroir comme heureusement votre père guérit sur l’heure. Le mien dit avec réserve : « Si votre santé l’exige, « résolvez-vous, sans balancer, à manger le foie d’un loup ; mais « il faudrait qu’il eût au moins sept ans. Mangez-le-moi ; nel’é« pargnez pas, car il y va de votre vie. Votre eau est comme du