Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome V.djvu/187

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

avec des bosses à la tète, et hurlant de douleur. Et vous lui criâtes encore : « Reviens, apprends à rougir. Si tu fais de nou« veau le partage, que je sois mieux servi, sinon je t’apprendrai « ton devoir. Maintenant, va-t’en bien vite nous chercher en« corede quoi manger. — Vous l’ordonnez, seigneur, vous dis« je. Je vais donc le suivre, et je suis sûr que je vous apporterai bientôt quelque proie. » Vous approuvâtes la chose. Ysengrin faisait alors une triste figure : il saignait, soupirait, gémissait : cependant je le lis marcher. Nous allâmes chasser ensemble ; nous prîmes un veau. Vous aimez ce gibier. Et quand nous l’apportâmes, il se trouva gras. Cela vous fit sourire, et vous dîtes à ma louange mainte parole amicale. J’étais, disiez-vous, excellent à. mettre en campagne à l’heure du besoin, et vous me dîtes encore : « Partage le veau. » Je répondis : • Une moitié vous « appartient et l’autre appartient à la reine. Ce qui se trouve « dans le corps, comme le cœur, le foie et les poumons, revient « de plein droit à vos enfants. Je prends les pieds, que j’aime « à ronger, et le loup aura la tête, morceau délicat. » Après m’avoir entendu parler de la sorte, vous me dîtes : « Qui donc t’a « instruit à partager ainsi, à la manière de la cour ? Je voudrais « bien le savoir. » Je répondis : « Mon maître est proche : celui ci, avec sa tête rouge, son crâne pelé et sanglant, m’a ouvert « l’esprit. J’ai fort bien vu comme il a partagé le cochon ce ma« tin, et j’ai appris à comprendre le fin d’un pareil partage. « Veau ou cochon, je saurais m’en tirer aisément et je n’y man« querai pas. » Honte et dommage punirent le loup et sa convoitise. Ses pareils sont assez nombreux. Ils dévorent les fruits des riches domaines et les vassaux en même temps. Ils détruisent d’abord toute prospérité ; il ne faut espérer d’eux aucun ménagement, et malheur au pays qui nourrit de tels hôtes !

« Sire, je vous ai souvent témoigné mon respect. Tout ce que je possède et que je puis acquérir, je le consacre de bon cœur à vous et à notre reine ; que ce soit peu de chose ou beaucoup, vous en prendrez la plus grande part. Si vous songez au veau et au pourceau, vous reconnaîtrez la vérité et où se trouve la fidélité sans reproche. Ysengrin oserait-il peut-être se mesurer avec-Reineke ? Mais, par malheur, le loup est en haute considération, comme grand prévôt, et il opprime tout le monde. Il.