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Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome V.djvu/188

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ne veille pas trop à vos intérêts. Il sait avancer les siens à merveille. Et maintenant il prendra sans doute la parole avec Brun, et, ce que Reineke aura dit, on en fera peu de cas.

« Monseigneur, le fait est que l’on m’accuse, et je ne céderai pas, car je dois poursuivre l’affaire jusqu’au bout ; et voici ce que je dis : Est-il quelqu’un ici qui pense me convaincre ? Qu’il se présente avec des témoins ; qu’il s’attache constamment au fait, et qu’il mette en gage juridique son bien, ses oreilles, sa vie, pour le cas où il viendrait à perdre, et j’en fais autant de mon côté. Tel fut toujours l’usage. Qu’on l’observe encore, et que toute l’affaire, telle qu’elle sera exposée pour et contre, soit loyalement traitée et jugée : j’ose le demander.

— Quoi qu’il en soit, reprit le monarque, je ne veux et ne puis gêner les voies du droit ; je ne l’ai jamais souffert. Tu es gravement suspect, il est vrai, d’avoir pris part au meurtre de Lampe, le fidèle messager. Je l’aimais singulièrement, et sa perte m’a été sensible ; je fus troublé affreusement lorsqu’on tira, sous mes yeux, sa tête sanglante de ton sac. Bellin, le compagnon perfide, expia le crime sur-le-champ. Tu peux maintenant défendre ta cause en justice. Pour ce qui me regarde personnellement, je pardonne tout à Reineke, car il m’a témoigné son attachement dans mainte occasion dangereuse. Si quelqu’un avait à l’accuser encore, nous l’entendrons. Qu’il produise des témoins irréprochables, et qu’il porte contre Reineke une plainte régulière : il se présente en justice. »

Reineke prit la parole :

« Monseigneur, je vous rends grâce. Vous entendez chacun, et chacun jouit du bénéfice de la loi. Laissez-moi déclarer solennellement avec quelle tristesse je vis partir Bellin et Lampe. J’avais, je crois, le pressentiment de ce qui devait arriver à tous deux. Je les aimais tendrement. »

C’est ainsi que Reineke arrangeait habilement ses récits et ses paroles. Chacun le croyait. Il avait si agréablement décrit les trésors, il s’était comporté si gravement, qu’il semblait dire la vérité. On cherchait même à le consoler. C’est ainsi qu’il trompa le roi, à qui les trésors plaisaient. 11 aurait bien voulu les posséder. Il dit à Reineke :

« Rassurez-vous, vous irez voyager, et vous chercherez de