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Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome V.djvu/199

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appelant en justice. Recevez-le en gage, et nous nous trouverons bientôt. Le roi Va entendu, tous les seigneurs de même. J’espère qu’ils seront témoins du combat judiciaire..Vous n’échapperez pas que la chose ne soit enfin décidée, et nous verrons ! »

Reineke se dit à lui-même :

« II y va de la fortune et de la vie. Il est grand et je suis petit, et, si j’essuyais cette fois un échec, toutes mes ruses m’auraient peu servi. Mais attendons l’événement ; car, lorsque j’y pense, j’ai l’avantage. Il a déj’i perdu ses ongles de devant. Si le fou n’est pas devenu plus calme, il n’aura pas ce qu’il veut, quoi qu’il en puisse coûter. »

Là-dessus Reineke dit au loup :

« C’est vous-même, Ysengrin, que j’estime un traître, et les griefs dont vous prétendez me charger sont tous des mensonges. Voulez-vous combattre ? J’accepte le défi, et je ne branlerai pas. Il y a longtemps que je le désirais. Voici mon gant. »

Le roi reçut les gages, que les deux champions présentèrent hardiment, puis il parla en ces termes :

« Vous devez me donner caution que vous ne manquerez pas de vous présenter demain pour le combat, car je trouve de part et d’autre la cause embrouillée. Qui peut comprendre tous ces discours ? •

Brun, l’ours, et Hinze, le chat, se présentèrent sur-le-champ eommc cautions d’Ysengrin ; et, pour Reineke, s’engagèrent de même son cousin Monèque, fils de Martin, le singe, et Grimbert.

« Reineke, dit là-dessus Mme Ruckenau, demeurez tranquille et de sang-froid. Votre oncle, mon mari, qui est maintenant à Rome, m’apprit un jour une prière que l’abbé de Schlouckauf1 avait composée, et qu’il donna par écrit à mon mari, auquel il voulait du bien. « Cette prière, disait l’abbé, est salutaire pour « les hommes qui vont au combat. Il faut la réciter à jeun, le « matin, et l’on est exempt tout le jour d’accidents et de dan« gers, à l’abri de la mort, des souffrances et des blessures. » Rassurez-vous, mon neveu : demain matin, au bon moment, je veux la dire pour vous, et vous pourrez marcher sans crainte et sans inquiétude.


1. Le glouton.