Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome V.djvu/295

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au murmure du vent des tempêtes, qui, dans les nues vaporeuses, emporte les fantômes des aïeux, à la pâle clarté de la lune ; entendre de la montagne, à travers le mugissement du torrent des bois, les gémiss’ements, à demi perdus dans l’orage, que les esprits exhalent de leurs cavernes, et les lamentations de la jeune fille, qui soupire sa douleur mortelle autour des quatre pierres moussues, gazonnées, du héros tombé, qu’elle aimait ! Si je rencontre ensuite le barde aux cheveux blancs, à la course vagabonde, qui cherche sur la vaste bruyère les traces de ses aïeux, et ne trouve, hélas ! que leurs tombeaux, et tourne ses regards en gémissant vers la douce étoile du soir, qui se cache dans là mer orageuse, et si les âges passés revivent dans l’âme du héros, alors que le rayon propice éclairait les périls des braves, et que la lune versait sa lumière sur le navire couronné, qui revenait vainqueur ; si je lis sur son front la dou-. leur profonde ; si je vois le dernier héros, resté seul sur la terre, marcher, accablé de lassitude et chancelant, vers la tombe, tandis qu’il puise des joies toujours nouvelles, douloureuses, brûlantes, dans l’impuissante présence des ombres de ses morts bien-aimés, et baisse les yeux sur la terre glacée, sur les hautes herbes flottantes, et s’écrie : « 11 viendra, il viendra, le voyageur qui me connut dans ma beauté, et il dira : « Où est le « barde, le noble fils de Fingal ? « son pied foulera ma tombe, et il me demandera vainement sur la terre…. » o mon ami, je tirerais volontiers l’épée, comme un noble écuyer, pour délivrer tout d’un coup mon prince des poignantes tortures d’une vie qui lentement s’exhale, et pour envoyer mon âme rejoindre le demi-dieu délivré.

19 octobre.

Ah ! ce vide, ce vide affreux, que je sens dans mon cœur !… Je me dis souvent : « Si tu pouvais une fois, une seule fois, la presser sur ton sein, tout ce vide serait comblé. »