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Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome V.djvu/304

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aux douleurs de son âme, entreprend un pèlerinage au saint sépulcre ! Chaque pas qui déchire la plante de ses pieds sur des chemins non frayés est une goutte de baume pour son âme oppressée ; à chaque journée de marche qu’il endure, son cœur se repose, soulagé de nombreux soucis. Et vous osez appeler cela folie, vous autres marchands de paroles, assis sur vos coussins ?… Folie !… O Dieu, tu vois mes larmes ! Fallait-il, après avoir créé l’homme assez pauvre, lui donner encore des frères, pour lui dérober le peu qu’il possède, le peu de confiance qu’il a en toi, en toi, Amour infini ! Car la confiance dans une racine salutaire, dans les pleurs de la vigne, qu’est-ce autre chose que de la confiance en toi, et la persuasion que tu as communiqué à tout ce qui nous environne une vertu qui guérit ou qui soulage, dont nous avons besoin à toute heure ? O Père, que je ne connais pas, Père, qui remplissais autrefois mon âme tout entière, et qui maintenant as détourné de moi ta face, daigne m’appeler à toi ! Ne garde pas plus longtemps le silence ! Ton silence n’arrêtera pas cette âme altérée…. Un homme, un père, pourrait-il entrer en courroux, quand son fils, revenu à l’improviste, se jetterait à son cou et s’écrierait : « Je reviens, mon père ! Ne sois pas irrité, si j’abrège le pèlerinage, que, selon ta volonté, j’aurais dû poursuivre plus longtemps. Le monde est partout le même ; après la peine et le travail, la récompense et le plaisir : mais que m’importe cela ? Je ne suis bien qu’aux lieux ou tu es, et je veux être heureux ou malheureux en ta présence…. » Et toi, bon Père céleste, ce fils, le repousserais-tu loin de toi ?

1er décembre.

Wilhelm, cet homme dont je t’ai parlé, cet heureux infortuné, était commis chez le père de Charlotte, et une passion qu’il nourrissait pour elle, qu’il dissimulait, qu’il découvrit, et pour laquelle il fut congédié, l’a rendu fou. A ces sèches paroles, figure-toi dans quel égarement cette histoire m’a plongé, lorsqu’Albert me l’a racontée aussi froidement que tu la liras peut-être.