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Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome V.djvu/326

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mugissez, tempêtes, dans la cime des chênes ! Chemine à travers les nuages déchirés, ô lune, et montre par moments ton pâle visage ! Rappelle-moi la nuit horrible où mes enfants succombèrent, où le puissant Arindal tomba, où l’aimable Daura cessa de vivre.

« Daura, ma fille, tu étais belle, belle comme la lune sur la colline de Fura, blanche comme la neige nouvelle, douce comme le souffle de l’air. Arindal, ton arc était fort, ta lance, rapide sur le champ de bataille, ton regard, comme la nue sur le flot, ton bouclier, un nuage de feu dans la tempête.

« Armar, guerrier fameux, rechercha l’amour de Daura ; elle ne résista pas longtemps : elles étaient belles, les espérances de ses amis.

« Mais Erath, fils d’Odgal, frémissait de rage : Armar avait tué son frère. Il vint déguisé en matelot. Sa barque était belle sur les ondes, ses cheveux étaient blanchis par l’âge ; sa figure était calme : « Ô la plus belle des vierges, dit-il, aimable fille d’Armin, là sur le rocher, non loin du rivage, Armar attend Daura : je viens pour passer sa bien-aimée sur les vagues roulantes. »

« Elle le suivit, elle appela Armar : seule la voix du rocher lui répondit. « Armar, mon bien-aimé, mon bien-aimé, pourquoi me tourmenter ainsi ? Écoute, fils d’Arnath ! écoute ! c’est Daura qui t’appelle. »

« Erath, le traître, fuyait en riant vers la terre. Elle éleva la voix, elle appela son père et son frère. « Arindal ! Armin ! aucun » de vous ne viendra-t-il sauver sa Daura ? »

« Sa voix traversa la mer. Arindal, mon fils, descendait de la colline, ardent et chargé du butin de la chasse ; ses flèches résonnaient à son côté, il portait son arc à la main, cinq dogues noirs étaient autour de lui. Il vit l’audacieux Erath sur le rivage ; il le saisit et l’attacha au tronc d’un chêne ; il entoura ses flancs de liens solides ; le captif remplissait l’air de ses plaintes.

« Arindal s’embarque pour délivrer Daura. Armar survient plein de fureur ; il décoche la flèche aux plumes grises ; elle siffle, elle perce ton cœur, Arindal, ô mon fils ! Tu succombas, au lieu d’Erath, le traître ; la barque atteignit le rocher ; Arindal tomba et mourut. A tes pieds coulait le sang de ton frère, ô Daura : quelle fut ta douleur !