Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome V.djvu/33

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

est venu ; le ciel lui a amené et montré son épouse, son cœur a prononcé. Alors ne disions-nous pas toujours que c’était à luimême de choisir ? Tout à l’heure encore, n’as-tu pas désiré qu’il éprouvût pour une jeune fille un vif et joyeux sentiment ? Eh bien ! l’heure est venue. Oui, il aime, il a fait son choix, et a pris, enliomme, sa résolution. C’est la jeune fille, l’étrangère qu’il a rencontrée. Donne-la-lui, ou il a juré de rester dans le célibat. »

Et le fils dit à son tour :

« Donnez-la-moi, mon père. Mon cœur a fait un choix pur et sage : elle sera la fille la plus digne de vous. »

Le père gardait le silence : le pasteur se leva promptement et prit la parole.

« Le moment seul prononce sur la vie de l’homme et sur toute sa destinée. Car, après une longue délibération, chaque résolution n’est que l’œuvre du moment, mais le sage lui seul choisit le bon parti. Le plus dangereux est toujours, lorsqu’on fait un choix, de considérer telle ou telle chose accessoire, et de troubler ainsi le sentiment. Hermann est pur ; je le connais depuis son premier âge : dès lors il ne portait point ses mains enfantines vers un objet, puis un autre. Ce qu’il demandait était conforme à sa nature ; il s’y attachait constamment. Ne soyez ni effrayés ni surpris de voir tout à coup paraître ce que vous avez longtemps désiré. L’apparition n’a pas, il est vrai, maintenant la forme du désir, tel que vous l’aviez nourri peut-être ; car les désirs nous voilent à nous-mêmes l’objet désiré ; les dons viennent d’en haut dans leur forme particulière. Ne méconnaissez pas la jeune fille qui, la première, a touché l’âme de votre bien-aimé, votre sage et bon fils. Heureux celui à qui sa première amante donne d’abord sa main ! Le vœu le plus charmant ne devient pas dans son âme une langueur secrète. Oui, je le vois à son visage, son sort est décidé. Le véritable amour transforme soudain en homme l’adolescent. 11 n’est pas volage : je crains, si vous lui refusez sa demande, qu’il ne passe dans la tristesse les plus belles années de sa vie. »

Le pharmacien, qui avait depuis longtemps la parole sur les lèvres, dit sur-le-champ, d’un ton circonspect :

« Cette fois encore, suivons la voie mitoyenne. Hâte-toi lentement : c’était la devise de l’empereur Auguste lui-même. Pour