Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome V.djvu/35

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que la désire l’homme qui porte en son cœur une volonté sage. Elle sera heureuse aussi la bonne épouse, j’ose l’espérer : oui, elle me remerciera toujours de lui avoir rendu en vous un père et une mère comme les désirent des enfants raisonnables. Mais je ne tarde plus ; je vais atteler les chevaux, et je conduirai nos amis sur la trace de ma bien-aimée ; je les abandonnerai à euxmêmes et à leur propre sagesse ; je me réglerai, je vous le jure, entièrement sur leur décision, et je ne reverrai plus la jeune fille avant qu’elle m’appartienne. »

A ces mots, il sortit, tandis que les amis pesaient avec prudence diverses questions, et discouraient vivement sur cet important sujet.

Hermann courut à l’écurie, où les ardents étalons, tranquilles devant leur crèche, mangeaient vivement l’avoine pure et le foin récolté dans la meilleure prairie. Il se hâta de leur mettre le mors brillant ; il fit passer les courroies par les belles boucles argentées, et attacha ensuite les longues et larges brides ; il mena les chevaux dans la cour, où le valet empressé avait déjà poussé la voiture, en la menant sans peine par le timon. Ensuite •Us attachèrent, dans une juste mesure, avec des cordes neuves, les chevaux vigoureux à l’équipage, qu’ils traînaient aisément. Hermann prit le fouet, puis il s’assit, et il avança sous la porte cochère. Quand les amis eurent pris place commodément, la voiture s’éloigna, d’une course rapide, et laissa le pavé derrière elle ; elle laissa les murs de la ville et les tours blanchies. Hermann gagnait ainsi rapidement la chaussée bien connue, et ne perdait point de temps, et courait à la montée comme à la descente ; mais, lorsqu’il aperçut le clocher du village, et que les maisons entourées de jardins ne furent plus éloignées, il se dit que c’était le moment d’arrêter les chevaux.

Sous l’ombre vénérable de tilleuls majestueux, que cette place avait vus grandir depuis des siècles, était une large et verte pelouse, à l’entrée du village, lieu de plaisir pour les paysans et les citadins du voisinage. Sous les arbres, était une fontaine au réservoir large et peu profond. Si l’on descendait les degrés, on voyait des bancs de pierre placés autour de la source, qui jaillissait toujours vive et limpide, entourée d’un petit mur.