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Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome V.djvu/49

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familièrement appuyés sur les vaisseaux. Enfm elle dit à l’ami :

« Dis-moi, d’où vient que je te trouve ici ? et sans voiture, sans chevaux, loin du lieu où je t’ai vu d’abord ? Comment es-tu venu ? »

Hermann, pensif, tenait les yeux baissés vers la terre, puis il les leva tranquillement sur elle, arrêta doucement son regard sur le sien et se sentit calme et rassuré. Cependant parler d’amour à la jeune fille lui était impossible ; les yeux de l’étrangère n’exprimaient point l’amour, mais une pure sagesse, qui commandait de- parler sagement. Il se recueillit sur-le-champ et lui dit avec cordialité :

« Laisse-moi parler, mon enfant, et répondre à tes questions. C’est à cause de toi que je suis venu. Pourquoi devrais-je le cacher ? Je passe une vie heureuse avec mes bons parents, que j’aide fidèlement à gouverner notre maison et nos biens, car je suis fils unique et nos affaires sont nombreuses : je cultive les terres ; mon père gouverne assidûment la maison ; ma mère laborieuse fait marcher tout le ménage : mais tu as observé certainement combien les domestiques, tantôt par négligence, tantôt par infidélité, tourmentent la maîtresse, l’obligent à changer toujours, el à troquer défaut contre défaut. Aussi ma mère désirait depuis longtemps dans sa maison une jeune fille qui l’aidât, non-seulement de la main, mais aussi du cœur, pour lui tenir lieu de la fille qu’elle a malheureusement perdue toute jeune. Or, quand je t’ai vue aujourd’hui, auprès de la voiture, déployer une heureuse adresse ; quand j’ai vu la force de ton bras et ta santé parfaite ; quand j’ai entendu tes sages paroles, saisi d’étonnement, j’ai couru à la maison, pour faire, selon son mérite, à mes parents et à mes amis, l’éloge de l’étrangère. Et * maintenant je viens te dire leur désir et le mien…. Excuse mon embarras….

— Ne craignez pas d’achever, répondit-elle. Vous ne m’offensez point : je vous ai écouté avec reconnaissance. Parlez sans détour : le mot ne m’effraye nullement. Vous désirez m’engager comme servante pour votre père et votre mère, afin de soigner votre maison bien entretenue ; et vous croyez trouver en moi une fille diligente, formée au travail et d’un caractère sans ru-