Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome V.djvu/54

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amener de la grêle et une pluie violente ! car la moisson est belle. »

Et ils admiraient tous deux les grands blés balançant leurs tiges, qui égalaient, peu s’en faut, la haute taille du jeune couple passant au travers.

Puis l’étrangère dit à l’ami qui la conduisait :

« Homme généreux, à qui je vais me trouver redevable d’un heureux sort, d’un asile, quand l’orage menace en pleine campagne tant d’exilés, parlez et apprenez-moi d’abord à connaître vos parents, que je suis disposée à servir désormais de tout mon cœur. Car, si l’on connaît le maître, il est plus facile de le satisfaire, en observant les choses qui lui paraissent les plus importantes, et sur lesquelles il a une volonté arrêtée. C’est pourquoi dites, je vous prie, comment je pourrai gagner l’affection de votre père et de votre mère. »

Le sage et bon jeune homme lui répondit :

« Oh ! combien je t’approuve, fille excellente, de t’informer avant toutes choses du caractère de mes parents ! Pour moi, jusqu’à présent j’ai tâché en vain de servir mon père, m’occupant de l’exploitation comme de la mienne, cultivant du matin au soir et nos champs et nos vignes. Pour ma mère, je l’ai satisfaite ; elle a su apprécier mes efforts ; et tu lui paraîtras aussi la meilleure des filles, si tu gouvernes la maison, comme si tu la croyais la tienne. Il n’en est pas ainsi de mon père : il aime aussi l’apparence. Bonne jeune fille, ne me juge pas froid et insensible, si je te dévoile mon père sur-le-champ, à toi, qui es étrangère. Oui, je le jure, c’est la première fois que de pareils discours s’échappent librement de mes lèvres, qui ne sont pas accoutumées à babiller. Mais tu tires de mon cœur tous ses secrets. Mon bon père exige quelques dehors dans la vie ; il demande les signes extérieurs de l’amour comme du respect, et il serait peut-être satisfait du mauvais serviteur qui saurait en profiter, tandis que le meilleur le trouverait sévère. »

Elle répondit avec joie, en doublant le pas, dans sa marche légère, le long du sentier plus sombre :

« J’espère bien les contenter tous les deux : les sentiments de ta mère sont semblables aux miens, et, dès ma jeunesse, je ne fus pas étrangère aux formes agréables. Dans le temps