Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome V.djvu/55

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passé, nos voisins, les Français, tenaient beaucoup à la politesse ; elle était commune aux nobles et aux bourgeois, comme aux paysans, et chacun la recommandait aux siens. Et chez nous aussi, sur la rive allemande, le matin, les enfants avaient coutume de souhaiter le bonjour à leurs parents, avec des baisements de main et des révérences, et se conduisaient honnêtement tout le jour. Tout ce que j’ai appris, à quoi je me suis accoutumée dès l’enfance, ce que le cœur m’inspire, je le mettrai en usage auprès du vieillard. Mais qui me dira comment je dois me conduire envers toi-même, le fils unique, et bientôt mon maître ? »

Comme elle parlait ainsi, ils arrivèrent sous le poirier. La pleine lune répandait une clarté magnifique ; il était nuit ; la dernière lueur du soleil était complètement effacée ; et devant eux s’étendaient les masses opposées de clartés brillantes comme le jour et d’ombres obscures et ténébreuses. Hermann entendit avec joie cette question amicale sous les rameaux du bel arbre, dans le lieu qui lui était si cher, qui, ce même jour, avait vu les pleurs qu’il versait pour son exilée. Et, comme elle s’était assise, pour se reposer un peu, l’amoureux Hermann dit, en lui prenant la main :

« Laisse ton cœur te le dire, et veuille suivre toujours sa voix. »

Mais il ne risqua pas un mot de plus, si favorable que fût l’heure : il craignait de s’attirer un refus, hélas ! et il sentait au doigt de la bien-aimée l’anneau d’or, le signe fatal. Ils restaient donc assis l’un a côté de l’autre, immobiles et silencieux. Enfin la jeune fille reprit la parole et dit : ’

« Qu’il est doux, cet admirable clair de lune ! Il est pareil à l’éclat du jour. Je vois là-bas distinctement les maisons de la ville et leurs dépendances, au pignon, une fenêtre : il me semble que je puis compter les vitres.

— Ce que tu vois, répondit le jeune homme avec réserve, est notre demeure, dans laquelle je vais te conduire ; et cette fenêtre, là-bas sous le toit, est celle de ma chambre, qui sera peut-être la tienne : nous faisons des changements dans la maison. Ces champs sont nôtres ; ils mûrissent pour la moisson qui s’approche. Ici, à l’ombre, nous viendrons nous reposer et prendre