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Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome V.djvu/56

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notre repas. A présent, descendons par la vigne et le jardin ; car, vois-tu, l’orage s’approche, lançant des éclairs et près d’engloutir le doux clair de lune. »

Ils se levèrent et descendirent le champ, à travers les blés superbes, à la faveur de la nocturne clarté. Ils étaient arrivés à la vigne et ils entrèrent dans l’obscurité.

Et il la conduisait, en lui faisant descendre les nombreuses pierres plates, non taillées, qui servaient de degrés dans le berceau. Elle descendait lentement, appuyant sa main sur l’épaule d’Hermann ; la lune répandait sur eux, à travers le feuillage, des lueurs incertaines : bientôt, enveloppée de nuées orageuses, elle laissa le couple dans l’obscurité. Le robuste jeune homme soutenait avec précaution l’étrangère, qui s’avançait, appuyée sur son guide ; mais, ne connaissant pas le sentier et les degrés informes, elle fit un faux pas ; le pied éprouva un craquement ; elle faillit tomber. Lui, qui était sur ses gardes, il étendit vivement le bras avec adresse ; il releva sa bien-aimée ; elle se pencha doucement sur ses épaules ; la poitrine s’inclina sur la poitrine, la joue sur la joue. Il s’arrêta, immobilecomme une statue, enchaîné par une austère volonté ; il ne la pressa point trop fort ; il tint ferme sous le poids ; il sentit le précieux fardeau, la chaleur du sein et l’haleine embaumée qui vint effleurer ses lèvres ; il soutint avec une mâle fermeté la belle et majestueuse femme.

Cependant elle dissimula sa douleur et prononça ces paroles badines :

« C’est un signe de malheur, disent les gens circonspects, si, à l’entrée de la maison, non loin du seuil, le pied vient à faire un faux pas. En vérité, j’aurais désiré un meilleur présage. Arrêtons-nous un peu, de peur quêtes parents ne te reprochent la servante boiteuse, et que tu ne paraisses un mauvais messager. »