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Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome V.djvu/59

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Hermann présenta l’étrangère à ses parents, et ces paroles volèrent de ses lèvres :

« Voici une jeune fille, telle que vous la désirez dans la maison. Mon cher père, recevez-la bien : elle en est digne. Et vous, bonne mère, questionnez-la tout de suite sur tout ce qui regarde le ménage, afin que vous voyiez combien elle mérite de vous appartenir. » v

Là-dessus il s’empressa de tirer le pasteur à l’écart et lui dit :

« Digne pasteur, hâtez-vous de me sortir d’embarras et de résoudre la difficulté dont je redoute le dénouaient. Car je n’ai pas engagé la jeune fille comme mon épouse : elle croit entrer comme servante dans la maison, et je crains qu’elle ne s’enfuie mécontente, aussitôt que nous parlerons de mariage. Mais que la chose soit sur-le-champ décidée. Il ne faut pas qu’elle reste plus longtemps dans l’erreur, tout comme je ne v puis supporter le doute plus longtemps. Hâtez-vous et montrez

encore ici la sagesse que nous honorons. »

Le pasteur se rapprocha soudain de la compagnie ; par malheur, le père avait déjà troublé l’âme de la jeune étrangère : il avait dit familièrement, à bonne intention, ces joyeuses paroles :

« Oui, cela me plaît, mon enfant ! Je vois avec plaisir que mon fils a du goût comme son père, qui l’a prouvé en son temps, qui a toujours conduit la plus belle à la danse, et enfin amené, comme femme, la plus jolie dans sa maison. C’était la petite mère. Car, à la fiancée que l’homme choisit, on reconnaît d’abord quel est son caractère, et s’il a le sentiment de ce qu’il vaut. Mais sans doute il vous a suffi à vous-même de peu de temps pour vous résoudre, et, à vrai dire, il n’est pas, je crois, si pénible de le suivre. *

Hermann n’entendit ces mots qu’à la dérobée ; il trembla de tout son corps, et aussitôt la compagnie entière devint silencieuse.

. L’excellente jeune fille, atteinte et blessée au fond de l’âme par ces paroles, qui lui semblaient une moquerie, restait immobile, et une rougeur fugitive se répandit sur ses joues ; cependant elle se posséda, et, faisant un effort sur elle-même, elle dit au vieillard, sans cacher tout à fait sa douleur :

« En vérité, votre fils ne m’a pas préparée à une réception