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Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome V.djvu/63

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attente, par sa dissimulation. Parlez, digne pasteur ; je vous ai confié la chose. N’augmentez pas l’angoisse et le chagrin ; achevez plutôt toute l’affaire : je n’aurais plus pour vous, à l’avenir, un aussi grand respect, si vous faisiez paraître une maligne joie, au lieu d’une excellente sagesse. »

Là-dessus le vénérable pasteur lui répondit en souriant :

« Quelle sagesse aurait arraché à cette bonne jeune fille un aveu si charmant, et nous aurait dévoilé son cœur ? Le souci n’est-il pas devenu soudain chez toi de la joie et du ravissement ? Parle donc toi-même. Qu’est-il besoin d’explications étrangères ? >

Hermann s’avança, et dit ces tendres paroles :

« Ne regrette pas tes larmes et ces douleurs passagères, car elles accomplissent mon bonheur, et, je l’espère, le tien. Ce n’est pas pour engager comme servante la belle et vertueuse étrangère, que je me suis rendu à la fontaine ; je venais pour te demander ton amour. Mais, hélas ! mon œil timide ne put voir le penchant de ton cœur ; il ne vit que de la bienveillance dans ton regard ; tu le saluas du miroir de la tranquille fontaine. Te conduire dans notre maison, c’était déjà la moitié du bonheur. Tu le combles maintenant. Oh ! sois bénie !… »

La vierge regarda le jeune homme avec une émotion profonde, et ne refusa point l’embrassement et le baiser, couronnement de la joie, lorsqu’ils sont, pour les amants, le gage longtemps souhaité du bonheur de la vie, qui semble désormais sans fin.

Le pasteur avait tout expliqué aux autres personnes ; mais elle s’avança, s’inclinant devant le père avec une grdce affectueuse, et, lui baisant la main qu’il retirait, elle dit :

« Votre équité pardonnera à la jeune fille surprise, d’abord ses larmes de douleur et puis ses larmes de joie. Oh ! daignez excuser ce premier sentiment, excusez aussi le second ; et laissez-moi seulement me reconnaître dans le bonheur nouveau qui m’est dispensé. Oui, que le premier chagrin, dont le trouble où j’étais m’a rendue coupable, soit aussi le dernier ! L’office dévoué et fidèle auquel la servante s’est obligée, votre fille le remplira. »

Et le père l’embrassa aussitôt en cachant ses larmes. La mère