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Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome V.djvu/92

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Noble, le roi, assemble sa cour, et ses vassaux, convoqués, se hâtent d’accourir en grande pompe ; beaucoup de fiers personnages’arrivent de toutes parts : Lutke, la grue, et Markart, le geai, et tous les meilleurs. Car le roi veut tenir cour plénière avec tous ses barons. Il les fait convoquer tous ensemble, aussi bien les grands que les petits. Nul ne devait y manquer, et pourtant quelqu’un y manqua : ce fut Reineke, le renard, le fripon, qui, pour ses nombreux méfaits, s’abstint de paraître à la cour. Comme la mauvaise conscience craint le jour et la lumière, le .renard craignait les seigneurs assemblés. Tous avaient à se plaindre : il les avait tous offensés, et il n’épargnait que Grimbert, le blaireau, le fils de son frère.

Ysengrin, le loup, fit sa plainte le premier. Accompagné de tous ses cousins et partisans, de tous ses amis, il se présenta devant le roi et fit sa déclaration juridique :

« Très-honoré seigneur et roi, entendez mes griefs. Vous êtes noble et grand et honorable ; vous faites à chacun justice et grâce : soyez donc aussi touché du dommage que Reineke, le renard, m’a fait souffrir avec grande honte ; mais, avant tout, ayez pitié de ma femme, qu’il a tant de fois outragée insolemment, et de mes enfants, qu’il a maltraités. Hélas ! il les a souillés d’immondices, d’ordures corrosives, tellement que j’en ai trois encore à la maison qui sont au martyre, dans une cruelle cécité. A la vérité, tout le crime est notoire depuis long-temps ; un jour était même fixé pour faire droit à ces plaintes. Il offrait de prêter serment ; mais bientôt il a changé de résolution, et s’est enfui au plus vite dans son fort. C’est là ce que savent trop bien toutes les personnes ici présentes à mes côlés.’ Seigneur, quatre semaines ne me suffiraient pas pour conter brièvement les souffrances que le drôle me prépare. Quand toute la toile de Gand, autant que l’on en fabrique, serait changée en parchemin, elle ne contiendrait pas tous ses mauvais tours, et je les passe sous silence. Mais le déshonneur de ma femme me dévore le cœur : je le vengerai, quoi qu’il puisse arriver, j

Quand Ysengrin eut parlé de la sorte, le cœur affligé, un petit chien, qui se nommait Wackerlos ’, s’avança et dit au roi,


1. C’est-à-dire sans vigueur, sans courage.