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Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome V.djvu/98

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sortis avec eux hors des murs, et nous jouissions tous de la liberté. Mais, hélas ! il nous en prit mal. Il état blotti traîtreusement dans les buissons : il s’élança et nous barra la porte. Il saisit le plus beau de mes fils et l’emporta. Et, une fois qu’il en eut tâté, plus de remède ; il faisait toujourt de nouvelles tentatives. Ni les chasseurs ni les chiens ne purent nous défendre jour et nuit contre ses ruses. Il ma’revi de la sorte presque tous mes enfants. De vingt je suis réduit à cinq. Il m’a volé tous les autres. Oh ! soyez touché de notre douleur amère. Hier il a tué ma fille. Les chiens ont sauvé le corps. Voyez, la voici. C’est lui qui l’a fait. Oh ! prenez la chose à cœur. »

Et le roi prononça ces paroles :

« Approchez, Grimbert, et voyez : voilà comme jeûne l’ermite ! voilà comme il fait pénitence ! mais, que je vive encore une année, et je l’en ferai sérieusement repentir. Au reste, que servent les paroles ? Écoutez, malheureux Henning : de tous les honneurs qui sont rendus aux morts, aucun ne manquera à votre fille. Je ferai chanter vigiles pour elle ; je la ferai ensevelir avec de grands honneurs. Ensuite nous délibérerons avec ces messieurs sur le châtiment du meurtre. »

Alors le roi commanda que l’on chantât vigiles. L’assemblée entonna Domine placebo ; ils chantèrent tous les versets. Je pourrais même rapporter qui chanta les leçons et qui les répons ; mais ce serait trop de longueurs : j’aime mieux en rester là. Le corps fut couché dans une fosse, et l’on érigea dessus un beau marbre, poli comme le verre, taillé en carré, grand et massif, sur lequel se lisaient distinctement ces mots :

« Grattepied, fille d’Henning, le coq, la meilleure des poules, « pondit des œufs en grand nombre et sut gratter la terre habi« lement. Hélas ! elle est ici gisante, ravie à sa famille par le « crime de Reineke. Que tout l’univers apprenne comme il a méchamment et traîtreusement agi, et que la morte soit pleurée. »

Voilà ce qui fut gravé sur le tombeau. Cependant le roi fit convoquer les plus sages, afin de délibérer avec eux sur la manière de punir le crime, qu’on avait exposé si clairement devant lui et devant les seigneurs. Ils décidèrent enfin qu’on enverrait