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DE WILHELM MEISTER. 293

sité excitée par les nouveaux comédiens lui promettait d’ailleurs d’excellentes recettes.

La société de Wilhelm avait même exercé sur lui quelque influence ; il commençait à parler un peu plus de l’art ; car enfin il était Allemand, et les Allemands aiment à se rendre compte de ce qu’ils font. Wilhelm mit par écrit quelques-uns de ces entretiens ; mais, comme nous ne pouvons interrompre si souvent le récit, nous donnerons, dans une autre occasion, ces essais dramaturgiques, à ceux de nos lecteurs qu’ils peuvent intéresser.

,Ln soir surtout, Serlo se montra fort gai, en parlant du rôle de Polonius, tel qu’il se proposait de le rendre.

« Je promets, disait-il, de vous régaler cette fois d’un digne personnage ; je saurai faire, en temps et lieu, le plus bel étalage de calme et d’assurance, de frivolité et d’importance, de grâce et de fadeur, de liberté et de ruse, de franche friponnerie et de fausse sincérité ; je présenterai et je développerai, avec une parfaite politesse, ce demi-coquin grisonnant, candide, souffrant tout, se pliant aux circonstances ; et les coups de pinceau, un peu durs et grossiers, de notre auteur, me rendront pour cela de bons services. Je parlerai comme un livre, quand je serai préparé, et comme un fou, quand je serai de bonne humeur. Je serai insipide, pour parler a chacun son langage, et toujours assez fin pour ne rien voir, quand les gens se moqueront de moi. J’ai rarement entrepris un rôle avec autant de malice et de plaisir.

Que ne puis-je espérer autant du mien ! dit Aurélie. Je n’ai pas assez de jeunesse et d’abandon pour me retrouver dans le caractère d’Ophélie. Je ne sais, hélas ! qu’une chose, c’est que le sentiment qui égare son esprit ne me quittera jamais. N’y regardons pas de si près, dit Wilhelm car, à vrai dire, mon désir de jouer Hamlet m’a jeté, après toute l’étude que j’ai faite de la pièce, dans la plus étrange erreur. Plus je médite ce rôle, plus je vois que je n’ai pas, dans toute ma personne, un trait de ressemblance avec le Hamiet de Shakspeare. Quand je considère comme tout se lie parfaitement dans ce rôle, j’ose à peine me flatter d’y paraître supportable.

Vous entrez dans la carrière avec de grands scrupules, lui ré