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Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VI.djvu/346

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342 LES ANNÉES D’APPRENTISSAGE, ETC.

ceau d’éloquence, il fit ses préparatifs de voyage, tout en l’apprenant par cœur. Mignon assistait à ses apprêts, et lui demanda s’il allait au nord ou au midi ; et, comme elle apprit que c’était au nord, elle lui dit

« Dans ce cas, j’aime mieux t’attendre ici.

Elle lui demanda le collier de perles de Marianne, et il n’eut pas le courage de le refuser à la chère enfant. Elle avait déjà le fichu. En échange, elle glissa dans le portemanteau le voile du spectre, quoique Wilhelm lui assurât que ce crêpe ne lui était d’aucun usage.

Mélina se chargea de la régie, et sa femme promit de veiller comme une mère sur les enfants, dont Wilhelm se séparait à regret. Félix était fort gai au moment du départ, et, comme on lui demandait ce qu’il voulait qu’on lui apportât, il répondit t Écoute, apporte-moi. un père !~ D

Mignon prit Wilhelm par la main, et, se levant sur la pointe des pieds, elle imprima sur ses lèvres un baiser vif et cordial, mais sans tendresse, et lui dit

e Meister, ne nous oublie pas et reviens bientôt. a

Laissons maintenant notre ami se mettre en voyage, poursuivi de mille pensées et de mille sentiments, et transcrivons ici, pour terminer, quelques strophes que Mignon avait plusieurs fois récitées avec beaucoup d’expression, et que tant d’événements étranges nous ont empêché de citer plus tôt.

t Ne me dis pas de parler, dis-moi de me taire, car le secret est un devoir pour moi je voudrais te dévoiler toute mon âme, mais le sort ne le veut pas.

A l’heure marquée, la course du soleil chasse la sombre nuit, et il faut qu’elle s’éclaircisse ; la roche dure ouvre son sein, et ne refuse pas à la terre les sources profondes

Chacun cherche le repos dans les bras d’un ami, et le cœur r peut s’y répandre en plaintes mais un serment a scellé mes Icvres, et un Dieu seul peut les ouvrir. »