Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VI.djvu/347

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LIVRE SIXIEME.

CONFESSION D’UNE BELLE AME’.

Jusqu’à l’âge de huit ans, j’ai joui d’une santé parfaite ; mais je me souviens aussi peu de ce temps-là que du jour de ma naissance. Comme j’entrais dans ma huitième année, je fus prise d’une hémorragie, et soudain ma mémoire et ma sensibilité se développèrent. Les plus petites circonstances de cet accident me sont présentes, comme s’il fût arrivé hier.

Pendant neuf mois que je fus alitée, souffrant mon mal avec patience, il me semble que mes idées commencèrent à se former, mon esprit ayant à sa portée les premiers moyens de se développer selon sa propre nature.

Je souffris et j’aimai ce fut le véritable état de mon cœur. Au milieu de la toux la plus violente et d’une fièvre qui m’accablait, j’étais calme comme un limaçon qui se retire dans sa coquille ; aussitôt que j’étais un peu soulagée, je demandais quelques impressions agréables, et, comme toute autre jouissance m’était refusée, je cherchais à me dédommager par les yeux et les oreilles. On m’apportait des poupées et des livres d’images, et qui voulait s’asseoir auprès de mon lit devait me conter quelque chose. 1. Goethe a en vue MIle.Susa.nne-Catberine de Klettenberg. Membre de la communauté des frères Moraves et amie de Lavater, elle exerça sur l’àme du jeune Goethe (1761-1764) une assez grande influence. Elle éveilla chez lui momentanément un penchant la contemplation religieuse, qui lui inspira plusieurs poésies, la plupart perdues ou non imprimées, par exemple Joseph, poëme épique. Goethe garda toute sa vie un respectueux et tendre souvenir de Mlle de Klettenberg.