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Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VI.djvu/380

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376 LES ANNÉES D’APPRENTISSAGE

après la mort, autant je craignais peu de tomher dans un pareil éloignement de lui. Avec tout le mal que je découvrais en moi, j’aimais Dieu, et je haïssais ce que je sentais en moi ; je désirais même de le haïr plus vivement encore ; tout mon souhait tendait à me voir délivrée de cette maladie et de cette disposition maladive, et j’étais sûre que le céleste médecin ne me refuserait pas son secours.

Toute la question était de savoir le remède. Etait-ce la pratique de la vertu ? Je ne pouvais y songer car, pendant dix années, j’avais pratiqué plus que la simple vertu, et les iniquités, maintenant reconnues, s’étaient dérobées à mes yeux dans le fond de mon âme. N’auraient-elles pu éclater comme chez David, lorsqu’il aperçut Bethsabée ? N’était-il pas aussi un ami de Dieu, et n’étais-je pas intimement persuadée que Dieu était mon ami ? Était-ce donc une faiblesse incurable de l’humanité ? Faut-il nous résoudre à subir tôt ou tard la tyrannie de nos penchants, et, avec la meilleure volonté du monde, ne nous reste-t-il qu’à détester la chute que nous avons faite, pour tomber encore à la même occasion ?

Je ne pouvais puiser dans la morale aucune consolation. Ni la sévérité avec laquelle elle prétend maîtriser nos passions, ni sa complaisance à les transformer en vertus, ne pouvaient me satisfaire. Les principes que m’avaient inspirés mes rapports avec l’invisible ami avaient déjà pour moi une valeur beaucoup plus grande.

En étudiant les psaumes que David avait composés après son horrible chute, je fus très-frappée de reconnaître qu’il voyait dans la substance même dont il était formé le mal qui résidait en lui, mais qu’il voulait être purifié, et que, dans ses ardentes prières, il demandait un cœur pur.

Mais comment l’obtenir ? Je connaissais la réponse par les livres symboliques ; c’était aussi pour moi une vérité biblique, que le sang de Jésus-Christ nous purifie de tous péchés. Mais alors, pour la première fois, je remarquai que je n’avais jamais compris cette maxime, si souvent répétée. Nuit et jour je me demandais le sens de ces paroles, la manière dont elles devaient s’accomplir enfin je crus voir, à la faveur d’une faible lumière, que l’objet de mes recherches résidait dans l’incarnation du