Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VI.djvu/461

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

DE WILHELM MEISTER. 457

..J. 1 1

fernale adresse, pour doubler mon martyre ? S’il faut que ton insatiable intempérance fasse une orgie d’un repas funèbre alors bois et parle. Tu m’as toujours fait horreur, et je ne puis encore me figurer Marianne innocente, quand je le vois, toi qui fus sa compagne.

Doucement, monsieur ! répondit la vieille. Vous ne me ferez point perdre contenance. Vous avez contracté envers nous une grosse dette, et l’on ne se laisse pas malmener par un débiteur. Mais vous avez raison, le plus simple récit sera pour vous une peine suffisante. Écoutez donc la lutte que Marianne a soutenue, la victoire qu’elle a remportée, pour vous rester fidèle. Fidèle.’ s’écria Wilhelm quel conte me vas-tu faire ? Ne m’interrompez pas. Écoutez-moi et croyez-en ce qu’il vous plaira. Aujourd’hui la chose est fort indifférente. Le dernier soir que vous fûtes chez nous, n’avez-vous pas trouvé et emporté un billet ?

Je ne trouvai ce billet qu’après l’avoir emporté ; il était enveloppé dans le mouchoir, dont je m’étais emparé par un mouvement d’amoureux délire et que j’avais caché sur moi. Que contenait ce billet ?

Un amant mécontent exprimait l’espérance d’être mieux reçu la nuit prochaine qu’il ne l’avait été la veille. Et, qu’on lui ait tenu parole, je l’ai vu de mes propres yeux, car je l’ai aperçu qui s’échappait de chez vous avant le jour.

Vous pouvez l’avoir vu mais ce qui se passa chez nous, combien cette nuit fut triste pour Marianne et pénible pour moi, c’est ce qui vous reste à savoir. Je veux être sincère ; je ne veux point nier ni m’excuser d’avoir persuadé Marianne de se livrer à un certain Norberg ; elle m’écouta, je puis dire même elle m’obéit, avec répugnance. Il était riche il semblait fort épris et j’espérais qu’il serait constant. Aussitôt après, il dut faire un voyage, et Marianne fit votre connaissance. Que de choses il me fallut endurer, empêcher, souffrir

« Ah ! s’écriait-elle quelquefois, si seulement tu avais épar« gné ma jeunesse, mon innocence, quatre semaines encore, <~ j’aurais trouvé un digne objet d’amour, j’aurais été digne de « lui, et l’amour aurait pu donner, avec une conscience tran« quille, ce que j’ai vendu à contre-cœur : n