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Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VI.djvu/483

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— Elle se retrouvera, dit Wilheim, quand nous serons revenus de la première surprise. »

Il s’en fallait beaucoup que Werner eût produit sur Wilhelm une impression aussi favorable. Le bonhomme semblait avoir plutôt perdu que gagné. Il était beaucoup plus maigre qu’autrefois son visage anguleux semblait être plus effilé, son nez était plus long ; son front et sa tête dégarnis de cheveux, sa voix grêle, dure et criarde ; enfin sa poitrine enfoncée, son dos voûté, ses joues décolorées, annonçaient évidemment le travailleur soucieux.

Wilhelm eut la courtoisie de s’exprimer avec beaucoup de réserve sur une si grande métamorphose, tandis que Werner donnait un libre cours à sa joie amicale.

« En vérité, dit-il, si tu as mal employé ton temps, et si, comme je suppose, tu n’as rien gagné, tu es devenu du moins un joli garçon, qui peut et qui doit faire fortune. Mais ne va pas gaspiller et prodiguer encore ces avantages ! Avec cette figure, tu as de quoi nous acheter une riche et belle héritière. Tu ne démentiras jamais ton caractère, répondit Wilheim en souriant. A peine as-tu retrouvé ton ami, après un long temps, que déjà tu le considères comme une marchandise comme un objet de spéculation, sur lequel il y a quelque chose à gagner »

Jarno et l’abbé ne parurent nullement surpris de cette reconnaissance, et ils laissèrent nos deux amis s’étendre à loisir sur le présent et le passé. Werner tournait autour de son ami, le maniait et le passait en revue, au point de l’embarrasser. Non, non, s’écriait le beau-frère, je n’ai rien vu de pareil. Et pourtant je sais bien que ce n’est pas une illusion. Tes yeux sont plus profonds, ton front est plus large, ton nez plus délicat, et ta bouche plus gracieuse. Voyez-vous ce maintien ! Quelle tournure ! Quelles belles proportions ! Oh ! comme la paresse prospère ! Tandis que moi, pauvre diable. r En disant ces mots, il se regardait au miroir.

Si, pendant ce temps-là, je n’avais gagné beaucoup d’argent, je ne vaudrais rien du tout. »

Werner n’avait pas reçu la dernière lettre de Wilhelm. Leur société de commerce était cette maison étrangère avec laquelle