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Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VI.djvu/494

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490 LES ANNÉES D’APPRENTISSAGE

froide, mais sereine. C’était la première fois de sa vie que l’enfant voyait le lever du soleil son étonnement, aux premiers feux du matin, à l’éclat toujours croissant de la lumière, sa joie et ses naïves réflexions, charmaient le père, et lui permettaient de lire dans ce jeune cœur, devant lequel le soleil se levait et planait, comme sur un lac pur et tranquille.

Le cocher détela dans une petite ville, et ramena les chevaux chez son maître. Wilhelm prit une chambre à l’auberge, et se demanda tout de bon s’il devait rester ou poursuivre sa route. Dans cette irrésolution, il osa relire le billet de la comtesse, sur lequel il n’avait pas eu jusqu’alors le courage de reporter ses regards.

« Envoie-moi bien vite ton jeune ami, disait la comtesse ; l’état de Mignon me semble s’être aggravé ces deux derniers jours. Si triste que soit cette occasion, je serai charmée de faire sa connaissance.

Ces derniers mots, que Wilheim n’avait pas remarqués d’abord, l’effrayèrent, et il résolut aussitôt de ne pas aller chez la comtesse.

« Eh quoi ! se dit-il, Lothaire, qui sait notre liaison, ne lui a pas découvert qui je suis ? Celui qu’elle attend, avec une âme tranquille, ce n’est pas une ancienne connaissance, qu’elle aimerait mieux ne pas revoir ! C’est un étranger qu’elle attend ! Et je me présenterais devant elle ! Je la vois rougir, je la vois reculer d’horreur ! Non, il m’est impossible d’affronter cette scène. » On venait de mettre les chevaux à la voiture Wilhelm était décidé à faire décharger ses effets et à rester. Son agitation était extrême. Il entenditla fille d’auberge, qui montait pour l’avertir que la voiture était prête ; il chercha bien vite dans son esprit un motif qui l’obligeât de demeurer, et ses regards s’arrêtèrent avec distraction sur le billet qu’il tenait à la main.

Bon Dieu ! se dit-il, que vois-je ?. Ce n’est pas la main de la comtesse c’est la main de l’amazone ! »

La jeune fille entra, le pria de descendre et emmena Félix avec elle.

« Est-ce possible ? disait Wilhelm, est-ce vrai ? Que dois-je faire ? rester, attendre, m’éclaircir ? ou plutôt courir, courir et me précipiter au-devant d’un dL’HO~mt’nt ? Ce chemin te con