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500 LES ANNÉES D’APPRENTISSAGE

relie, sans l’instinct. « On accorde, disait-il souvent, que l’on naît poète ; on l’accorde pour tous les arts, parce qu’on ne « peut le méconnaître, et parce que ces manifestations de la ’c nature humaine peuvent à peine être contrefaites mais une « observation attentive fera reconnaître que chacune de nos ’c facultés, même les moins importantes, sont nées avec nous, «et qu’il n’est pas une seule faculté indéterminée. Ce n’est que « notre éducation équivoque, décousue, qui rend les hommes « indécis ; elle éveille des désirs au lieu d’animer des penchants ; et, au lieu de seconder nos véritables dispositions, elle dirige ’< nos efforts vers des objets bien souvent sans accord avec le « naturel de ceux qui les poursuivent. J’aime mieux un enfant, « un jeune homme, qui s’égarent sur leur propre voie, que tant d’autres qui suivent régulièrement une voie étrangère. Quand les premiers trouvent, par eux-mêmes ou par des indications, « le droit chemin, c’est-à-dire celui qui convient à leur nature, <~ ils ne l’abandonneront jamais, au lieu que les autres sont tentés, à chaque moment, de secouer un joug étranger et de « se livrer à une liberté sans frein. »

Chose étrange dit Wilhelm. cet homme remarquable s’est aussi occupé de moi, et, a ce qu’il semble, il m’a engagé, a sa manière, ou du moins il m’a fortifié quelque temps dans mes erreurs. Comment il pourra se justifier un jour de s’être, en quelque sorte, joué de moi, avec le concours de plusieurs amis, c’est une question dont il faut que j’attende la solution avec patience.

Pour moi, dit Nathalie, je n’ai pas à me plaindre de cette manie, si c’en est une c’est moi qui m’en suis le mieux trouvée dans la famille. Je ne vois pas non plus comment l’éducation de Lothaire aurait pu être meilleure. On devait peut-être diriger autrement ma bonne sœur, la comtesse ; on pouvait lui communiquer un peu plus de force et de gravité. Ce que deviendra mon frère Frédéric, on ne saurait absolument le prévoir je crains qu’il ne soit la victime de cette expérience pédagogique.

Vous avez un second frère ? s’écria ~Vilhelm.

Oui, un frère fort gai et fort léger, et, comme on ne l’a point empêché de courir le monde, je ne sais ce que deviendra