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512 LES ANNÉES D’APPRENTISSAGE

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quelques mots c’était le vœu de Thérèse. On allait cacheter la lettre, quand tout à coup Jarno se fit annoncer.

On le reçut de la manière la plus amicale ; il paraissait luimême de fort joyeuse humeur, et ne put longtemps retenir cette exclamation

« Je viens tout exprès vous apporter une étonnante mais agréable nouvelle elle concerne notre chère Thérèse. Vous nous avez souvent blâmés, belle Nathalie, de nous inquiéter de tant de choses voyez pourtant comme il est bon d’avoir partout ses émissaires ! Devinez et faites-nous voir une fois votre sagacité. »

L’air de satisfaction avec lequel il prononça ces paroles, le sourire malin avec lequel il regardait Wilhelm et Nathalie, les persuadèrent tous deux qu’on avait découvert leur secret. Nathalie répondit en souriant

« Nous sommes beaucoup plus adroits que vous ne pensez nous avons déposé le mot de l’énigme dans cette lettre, avant même qu’on nous l’eût proposée. »

En parlant ainsi, elle lui présenta la lettre qu’elle venait d’écrire a Lothaire, charmée de répondre de la sorte à la petit" surprise et à l’embarras que l’on avait voulu leur causer. Jarno prit la lettre avec quelque étonnement ; il ne lit que la parcourir, fut saisi de stupeur, et la laissa tomber de ses mains, regardant Nathalie et Wilheim avec une expression de surprise et même d’effroi, qu’on n’était pas accoutumé à voir sur son visage. Il ne disait pas un mot.

Wilhelm et Nathalie étaient fort troublés Jarno allait et venait dans la chambre.

« Que faut-il que je dise ? s’écria-t-il ; ou dois-je même le dire ?. La chose ne peut rester secrète ; l’embarras est inévitable. Ainsi donc, secret pour secret surprise pour surprise Thérèse n’est pas la fille de sa mère ! L’empêchement est levé. Je viens ici pour vous prier de préparer la noble jeune fille épouser Lothaire.

Jarno voyait le trouble de Wilhelm et de Nathalie, qui restaient les yeux baissés.

Cet accident, leur dit-il, est de ceux où la société nous importune les réflexions qu’il doit inspirer à chacun, on s’y