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Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VI.djvu/543

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DE WILHELM MEISTER. 539

« Au bout de quelque temps, elle se déclara enceinte, et les deux époux s’accordèrent dans le même dessein quoique par des vues tout à fait différentes. M. de désirait introduire dans sa maison, comme légitime, l’enfant de sa maîtresse, et Mme de* offensée de voir, par l’indiscrétion du médecin, son état divulgué parmi ses connaissances, voulait, par cette supposition d’enfant, se remettre en honneur dans le monde, et, par sa complaisance, prendre dans la maison de son mari un ascendant dont elle avait d’ailleurs sujet de craindre la perte. Elle fut plus circonspecte que son mari ; elle devina son désir, et, sans lui faire des avances, elle sut lui rendre une explication facile. Elle, fit ses conditions, et obtint presque tout ce qu’elle demandait de là’ ce testament, dans lequel on semblait avoir si peu songé aux intérêts de l’enfant. Le vieux médecin était mort ; on s’adressa à un jeune homme actif et adroit il fut bien récompensé, il put même se faire honneur, en publiant et en réparant l’ignorance et la précipitation de son défunt confrère. La véritable mère donna son consentement sans répugnance ; ou joua très-bien la comédie ; Thérèse vint au monde et fut attribuée à une marâtre, tandis que la véritable mère, victime de cette supercherie, parce qu’elle releva trop tôt de couches, mourut, et laissa son bon maître inconsolable.

« Mme de avait atteint son but aux yeux du monde elle était mère d’une aimable enfant, dont elle faisait parade avec orgueil ; elle était en même temps délivrée d’une rivale, dont elle ne voyait pas la position sans envie, et dont elle craignait secrètement l’inftuence, du moins pour l’avenir. Elle accablait l’enfant de caresses, et, en se montrant si sensible à la perte que son mari avait faite, elle sut tellement le gagner, dans les heures d’intimes épanchements, qu’il s’abandonna, on peut le dire, entièrement à sa volonté ; il remit dans les mains de sa femme son bonheur et le bonheur de son enfant, et ce fut à peine un peu avant sa mort et, eu quelque façon, avec l’appui de sa fille, devenue grande, qu’il reprit quelque autorité dans sa maison.

« Voila sans doute, belle Thérèse, le secret que votre père malade aurait si fort souhaité de vous découvrir ; voila ce que