Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VI.djvu/549

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

DE WILHELM MEISTER. 545

GOETHE.–AN~.D’APPR. 35

votre oncle que nous attendons depuis quelque temps, est sur le point d’arriver. Il m’écrit que la langue allemande ne lui est pas aussi familière qu’il l’avait cru ; qu’il a besoin d’un compagnon de voyage qui possède bien cette langue et quelques autres comme il désire former des relations scientifiques, bien plus que politiques un pareil interprète lui est indispensable. Je ne connais personne qui lui convienne mieux que notre jeune ami. Il sait plusieurs langues, il a des connaissances variées, et ce sera pour lui un grand avantage de voir l’Allemagne en si bonne société et dans des conditions si favorables. Qui ne connaît pas sa patrie n’a pas de terme de comparaison pour juger sainement les pays étrangers. Qu’en dites-vous, mes amis ? Qu’en dites-vous, Nathalie ?

Personne n’eut d’objections à faire. Jarno lui-même ne parut point considérer comme un obstacle son projet de voyage en Amérique, d’autant qu’il ne songeait pas à partir de sitôt Nathalie garda le silence, et Frédéric cita diverses maximes sur l’utilité des voyages.

Wilheim fut, dans le fond du cœur, tellement irrité de cette proposition, qu’il eut de la peine à le dissimuler. Il ne voyait que trop clairement qu’on s’entendait pour se délivrer de lui, le plus tôt possible, et, ce qu’il y avait de pire, on le laissait voir sans mystère, sans ménagement. Le soupçon que Lydie lui avait inspiré et tout ce qu’il avait éprouvé lui-même se réveilla dans son âme avec une vivacité nouvelle, et la manière naturelle dont Jarno lui avait tout expliqué ne lui sembla non plus qu’un artificieux étalage.

Il se recueillit un moment et il répondit

« Cette proposition mérite, en tout cas, un mûr examen. Une prompte décision serait nécessaire répliqua l’abbé. Je n’y suis pas préparé maintenant. Attendons l’arrivée du marquis, et nous verrons alors si nous pouvons nous convenir. Mais il faut d’abord qu’on accepte une condition essentielle c’est que j’emmènerai Félix, et pourrai le conduire partout avec moi.

Cette condition sera difficilement accordée, reprit l’abbé. Et je ne vois pas pourquoi je me laisserais prescrire des conditions par qui que ce soit, et, s’il me plaît de visiter un