Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VII.djvu/106

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Lucidor jeta les yeux sur l’ensemble. Versé dans l’histoire, il eut bientôt reconnu que le goût de cette science avait présidé à la collection.

« Là-haut, sur la frise, dit le vieillard, vous trouvez les noms des grands hommes de l’antiquité, et, dans les âges voisins, des noms encore, et rien de plus ; car il serait difficile de s’en procurer des portraits fidèles. Mais, dans ce champ plus vaste, commence proprement ma vie ; voici les hommes dont j’entendais encore prononcer les noms dans mon enfance : car les noms des personnages éminents restent à peu près cinquante ans dans la mémoire du peuple, puis ils s’oublient ou tombent dans la légende. Quoique mon père et ma mère fussent Allemands, je suis né en Hollande, et, pour moi, Guillaume d’Orange est, comme stathouder de Hollande et roi d’Angleterre, le type des grands hommes et des héros. Près de lui, voyez maintenant LouisXIV, qui…. »

Comme Lucidor eût volontiers interrompu le vieillard, s’il l’eût osé, ainsi que nous pouvons nous le permettre, nous, libre narrateur ! Car il était menacé de l’histoire moderne et contemporaine, comme il pouvait fort bien le remarquer, aux portraits du grand Frédéric et de ses généraux, qu’il regardait du coin de l’œil.

Or, si le bon jeune homme respectait le goût vif du vieillard pour son époque et pour celle qui l’avait immédiatement précédée ; si quelques traits et quelques points de vue individuels pouvaient ne pas lui sembler sans intérêt, cependant il avait étudié dans les universités l’histoire moderne, et, ce qu’on a entendu une fois, on croit le savoir pour toujours. Sa pensée était loin de là ; il n’écoutait pas ; il regardait à peine, et il était sur le point de sortir, de la manière la plus impolie, et de dégringoler le long et rapide escalier, lorsqu’on entendit devant la maison un vif battement de mains.

Tandis que Lucidor se retirait en arrière, le vieillard mit la tête à la fenêtre, et une voix bien connue fit entendre ces paroles :

« Descendez, au nom du ciel, de votre salle historique, mon vieux monsieur ! Finissez-en avec vos fastes, et m’aidez à apaiser notre jeune ami, quand il saura la nouvelle. J’ai mené son