universel, qui, sans savoir faire toutes les préparations, sans être initié à tous les secrets, entend bien l’essentiel, et te sera, pour les commencements, d’une grande utilité, en attendant que tu aies fait assez de progrès, pour que je puisse te découvrir enfin les secrets les plus rares.
— Comment, dit le major, tu as aussi des degrés, des échelons, dans l’art du rajeunissement ! Tu as des secrets particuliers pour les initiés !
— Certainement ! ce serait un art bien misérable que celui qu’on pourrait embrasser tout d’un coup, et que le novice saisirait du premier regard jusqu’à son dernier terme. »
L’exécution ne tarda guère : le valet de chambre fut remis au major, qui promit de le bien traiter. La baronne dut fournir des boites, des flacons et des verres, sans savoir pourquoi. On procéda au partage, et les deux amis passèrent le temps ensemble jusqu’à la nuit, dans une conversation agréable et spirituelle. Bien tard enfin, la lune s’étant levée, le voyageur partit, non sans promettre de revenir dans quelque temps.
Le major se retira dans sa chambre assez fatigué ; il s’était levé de bonne heure ; il ne s’était point ménagé pendant le jour, et il se flattait d’être bientôt dans son lit. Mais, au lieu d’un domestique, il en trouva deux. Le vieux palefrenier le déshabilla promptement, selon l’ancienne habitude ; alors le nouveau venu s’avança, et fit observer au major que la nuit était le temps favorable, pour mettre en œuvre les moyens de rajeunissement et d’embellissement, parce que l’effet s’en déployait plus sûrement pendant un paisible sommeil. Le major dut parconséquent se laisser oindre la tête, graisser le visage, peindre les sourcils et les lèvres. Il lui fallut essuyer encore d’autres cérémonies ; méme_ il ne dut pas mettre son bonnet de nuit, avant qu’on eût enveloppé sa tête d’un réseau et même d’une fine calotte de cuir.
Le major se mit au lit avec une sensation désagréable, dont il n’eut pas le temps de se rendre compte, parce qu’il s’endormit bientôt ; cependant, si nous devons exprimer ce qui se passait en lui, il se sentait comme une momie, tenant à la fois du malade et du corps embaumé : mais la douce image d’Hilarie, entourée des plus riantes espérances, le plongea bientôt dans un sommeil réparateur.