Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VII.djvu/184

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Dès son enfance, la baronne avait tellement aimé son frère, qu’elle le préférait à tout le monde, et peut-être cette préférence avait-elle provoqué, ou du moins entretenu, l’inclination d’Hilarie. «

Dès lors ils s’unirent tous trois dans un seul amour, un seul contentement, et les heures les plus fortunées coulèrent quelque temps pour eux : mais enfin ils se rappelèrent de nouveau le monde, qui les entourait, et il est rarement en harmonie avec de pareils sentiments.

Puis leurs pensées se reportèrent sur le fils. On lui avait destiné Ililarie, et la chose lui était bien connue. Aussitôt après avoir conclu avec le grand maréchal, le major devait voir son fils, alors en garnison, conférer de tout avec lui et mener ces affaires à une heureuse fin. Un événement imprévu avait dérangé toute la situation ; les rapports, jusqu’alors faciles et bienveillants, semblaient devenir hostiles ; il était difficile de prévoir quelle tournure la chose prendrait, et quelle serait la disposition des esprits.

Cependant le major dut se rendre auprès de son fils, qui attendait sa visite. Après quelque hésitation, il se mit en chemin, non sans répugnance, non sans d’étranges pressentiments, et fort affligé de quitter Hilarie, même pour peu de temps ; il laissa ses chevaux et son palefrenier, et, suivi de son industrieux valet de chambre1, désormais indispensable, il partit pour la ville où son fils séjournait.

Ils ne s’étaient pas vus depuis longtemps, et s’embrassèrent avec la plus vive tendresse. Ils avaient beaucoup de choses à se dire, et pourtant ils ne touchèrent pas d’abord le point qui leur tenait le plus au cœur. Le fils parla de ses espérances d’un prochain avancement ; de son côté, le père exposa en détail ce qui s’était traité et conclu entre le grand chambellan, sa sœur et lui, au sujet de l’ensemble et des diverses parties de leur patrimoine.

Déjà la conversation commençait à languir, quand le fils, s’étant armé de courage, dit à son père en souriant : « Vous me traitez avec beaucoup de tendresse, mon cher


1. A la lettre, son ra/el de rajeunissement.