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Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VII.djvu/185

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père, et je vous en remercie. Vous me parlez de possessions et de biens, et vous ne dites pas un mot de la condition sous laquelle une partie au moins de cette fortune doit m’appartenir ; vous ne prononcez pas le nom d’Hilarie ; vous attendez que je la nomme moi-même, que je vous fasse paraître mon désir d’être bientôt uni avec cette aimable enfant. »

A ces mots, le père se trouva dans un grand embarras ; mais, comme c’était chez lui une disposition naturelle, en même temps qu’une vieille habitude, de scruter la pensée des gens avec lesquels il avait des affaires à traiter- il garda le silence, et observa son fils avec un sourire équivoque.

« Vous ne devinez pas, mon père, ce que j’ai à vous dire, poursuivit le lieutenant ; une fois pour toutes, je vais vous le déclarer : je puis me reposer sur votre bonté, qui, au milieu de tant de peines que vous prenez pour moi, a sans doute aussi en vue mon véritable bonheur. Il faut le dire une fois, et le mieux sera de le dire tout de suite : Hilarie ne peut faire mon bonheur ; elle n’est pour moi qu’une aimable parente, avec qui je voudrais être uni toute ma vie de la plus tendre amitié ; mais une autre femme m’a inspiré le plus ardent amour, a enchaîné moa cœur. C’est un penchant irrésistible : vous ne voudrez pas me rendre malheureux. »

Le major eut de la peine à dissimuler la joie qui était près d’éclater sur son visage, et il demanda à son fils, avec une douce gravité, quelle était la personne qui avait pu le captiver si complétement.

« Il faut que vous la voyiez, mon père : car il est aussi impossible de la décrire que de la comprendre. Je crains seulement qu’elle ne vous subjugue vous-même, comme tous ceux qui l’approchent. Bon Dieu ! c’est ce qui arrivera, et je vous verrai le rival de votre fils.

— Qui est-elle en [in ? demanda le père. Si tu n’es pas en état de décrire sa personne, fais-moi du moins connaître sa position. C’est une chose qui se peut exprimer plus aisément.

— Fort bien, mon père, mais cette position serait différente chez une autre, et produirait d’autres effets. C’est une jeune veuve, héritière d’un vieux et riche mari, mort depuis peu ; elle est indépendante et parfaitement digne de l’être ; elle a de